A Pékin, la facture des Jeux gonfle à cause du covid

Six mois après les Jeux olympiques d’été de Tokyo, la capitale chinoise s’apprête à accueillir du 4 au 20 février les seconds Jeux olympiques et paralympiques de l’ère Covid. A moins de trois semaines du début des épreuves, le comité d’organisation a annoncé lundi renoncer à vendre des tickets au grand public en raison d’une situation épidémique “compliquée”. Pour éviter des épreuves sans spectateurs, des invitations pourraient toutefois être données à une poignée de personnes vaccinées.

« Il y aura un manque à gagner certain du fait de la pandémie, » affirme Wladimir Andreff, professeur honoraire à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (France) et spécialiste de l’économie du sport. Et de citer « les centaines de milliers de touristes étrangers qui étaient attendus et ne viendront pas » en Chine. Autant de recettes en moins pour les professionnels du tourisme, déjà lourdement pénalisés par la pandémie. Le comité d’organisation avait pour sa part chiffré à 118 millions de dollars les recettes de billetterie, rappelle Matthieu Llorca, maître de conférences à l’Université de Bourgogne (France).

Le covid, une “circonstance aggravante”

Même sans covid, les Jeux n’auraient pas forcément attiré plus de touristes, nuance Andrew Zimbalist, spécialiste de l’économie du sport au Smith College (Etats-Unis). En 2008, les mesures de sécurité autour des Jeux d’été avaient découragé “un nombre considérable” de voyageurs de se rendre à Pékin. « Le tourisme classique avait (ainsi) diminué au profit d’un tourisme olympique, » qui n’avait pas amené davantage de visiteurs, selon cet expert.

Le covid est cependant une “circonstance aggravante”, estime Wladimir Andreff. Pour décrocher l’organisation des Jeux, les candidatures « sous-estiment systématiquement les coûts et surestiment les bénéfices, » selon lui. Résultat, le coût des Jeux est habituellement multiplié par deux entre la date d’attribution et la cérémonie d’ouverture. Le Japon et Tokyo n’ont pas échappé à la règle pour les derniers Jeux d’été. « C’est la malédiction (de la ville gagnante). Celle qui remporte l’enchère se fait avoir », regrette le chercheur.

En 2015, Pékin avait dit tabler sur un budget de 3,06 milliards de dollars (2,76 milliard d’euros à l’époque) pour organiser ses Jeux d’hiver. Cette somme ne comprend que les coûts d’organisation et de construction d’équipements sportifs. Pas les infrastructures, comme la construction d’une ligne TGV entre Pékin et les pistes de ski. L’épidémie entraîne des coûts supplémentaires, alors même que la Chine fait face à des regains sporadiques menaçants du fait de l’arrivée de la souche Omicron.

Participants, sportifs, volontaires, cuisiniers, chauffeurs et journalistes seront maintenus dans une “boucle fermée” pour prévenir tout contact avec la population et limiter les risques de contamination. Cette bulle sanitaire nécessite une batterie de mesures pour isoler ces personnes du monde extérieur, ainsi que des tests de dépistage quotidiens. « Avec la pandémie, on devra peut-être augmenter certaines dépenses », a admis récemment le responsable de la communication des Jeux de Pékin, Zhao Weidong. « Mais on peut aussi en réduire certaines, » a-t-il fait remarquer, sans toutefois avancer de chiffres.

Des Jeux pour le “prestige”

Le surcoût lié au Covid « ne sera pas intégré » au budget final mais à celui de la politique sanitaire, subodore Matthieu Llorca. Un moyen pour les autorités, selon lui, de vanter des Jeux « bien réussis et à moindre coût ». Pour réduire les dépenses, Pékin avait mis l’accent dans sa candidature sur la réutilisation de certains sites construits pour les Jeux d’été de 2008. Cependant, « la Chine ne regarde pas combien ça va coûter » mais plutôt le “prestige” qu’elle peut retirer des Jeux, assure le professeur français. Les Jeux vont « être une symbolique assez forte pour montrer que le pays s’est relevé » deux ans après l’apparition du covid-19 à Wuhan : « Il y a vraiment un intérêt géopolitique qui l’emporte sur tous les intérêts économiques, » affirme Matthieu Llorca.

Pékin compte aussi sur les Jeux pour développer à long terme le secteur des sports d’hiver et s’est fait fort d’initier 300 millions de Chinois à la neige et à la glace. Cet objectif aurait déjà été atteint à en croire les chiffres officiels. Mais ces Jeux nécessitent des infrastructures sportives coûteuses. A Yanqing, au nord-ouest de Pékin, a ainsi été construite la toute première piste de bobsleigh, skeleton et luge de Chine, installation dont peuvent s’enorgueillir bien peu de pays. Matthieu Loorca prévient : « La rentabilité future pose des interrogations ». (AFP)

Sébastien Ricci

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