Elle a elle-même qualifié sa rentrée de « sportive ». Justement, c’est devant le monde sportif, réuni mardi 30 janvier 2024 pour les vœux du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) et du Comité Paralympique et Sportif Français (CPSF), que Amélie Oudéa Castéra, Ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, est passée à la contre-attaque. Chahutée depuis sa prise de fonction, le 11 janvier dernier, c’est sur l’estrade de la Maison du Sport français, devant plus de 300 dirigeants du sport français, que l’ancienne tenniswoman est passée à la contre attaque.
Amélie Oudéa-Castéra est sous le feu des projecteurs depuis sa sortie sur les absences des professeurs dans l’école publique. Elle est aussi critiquée pour avoir scolarisé ses enfants en écolé privée, dans le huppé établissement parisien Stanislas. Son salaire à Fédération Française de Tennis, où elle était Directrice générale, a aussi été pointé du doigt dans un rapport parlementaire très critique, par ailleurs, sur la gouvernance du sport français et sa capacité à lutter contre les violences.
Ce mardi soir, la ministre a d’abord entendu le soutien de David Lappartient, le président du CNOSF : « Il n’appartient à personne de remettre en cause les institutions de notre République, de s’ériger ici ou là en tribunal révolutionnaire pour dire qui, ou qui ne peut pas être ministre », a lancé celui qui est également président de l’Union Cycliste Internationale. « Très chère Amélie, nous te témoignons toute notre confiance, » a de son côté clamé Marie-Amélie Le Fur, la présidente du CPSF.
Etre quelqu’un de bien
De quoi mettre en confiance Amélie Oudéa-Castéra, qui, devant les représentants du sport français, est longuement revenue sur ses premières difficultés dès son arrivée au Ministère de l’Education nationale. « Quel que soit l’âpreté du contexte, il était inimaginable pour moi de manquer ce rendez-vous de famille ce soir, a-t-elle déclaré en introduction. J’ai le plaisir de retrouver beaucoup de visages amis dans ce monde qui par instant est un peu brutal, et ces visages font du bien. Merci beaucoup pour vos messages de soutien ». Un remerciement salué par les applaudissements de la salle.
« Ces deniers jours, j’ai évoqué, de manière maladroite, un souvenir erroné de maman vieux de 15 ans, a poursuivi la ministre. J’ai blessé des personnes que pour rien au monde je ne voulais blesser. Mea culpa. Je vous le dis ce soir, cette faute, je ne suis pas sûre d’arriver à me la pardonner moi-même un jour. (…) C’est pour moi une meurtrissure. Parce que contrairement à beaucoup d’étiquettes que beaucoup de gens aimeraient me coller sur les épaules, la seule injonction qui me sois jamais donnée à moi-même, ce n’est pas de gagner, pas d’obtenir, pas de conquérir, mais de me comporter comme quelqu’un de bien. Et ce n’est pas ce que j’ai fait ».
Servir de paratonnerre
Puis, devant sa “famille” du sport,“ là où “[elle se] sent bien”, Amélie Oudéa-Castéra a ouvert le dossier du rapport parlementaire sur “l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport” rendu le 23 janvier dernier par les députées Béatrice Bellamy et Sabrina Sebaihi. Toutes deux étaient présentes au CNOSF. « C’est avec un même sentiment de stupeur et parfois d’étonnement que j’ai découvert des mots acerbes sans nuances et sans respect pour l’action de tous ceux qui œuvrent depuis très longtemps pour la noble cause du sport, a-t-elle déclaré. Un rapport j’avais trouvé l’initiative intéressante et utile, mais dont je suis déçue ».
La ministre s’est montré particulièrement critique vis-à-vis du travail des deux parlementaires, qui, assises aux premiers rangs ont écouté sans broncher. « Un rapport qui au lieu de faire confiance aux fédérations (…) propose de leur confisquer [leurs responsabilités] au profit d’instances administratives indépendantes dépourvues de légitimité démocratiques, de contrôle politique et qu’il faudrait des mois à installer,» affirme-telle avant de poursuivre : « Un rapport qui passe sous silence toutes les avancées, tout ce qui peut marcher bien, tous les efforts fait, tout ce qui progresse, insiste Amélie Oudéa-Castéra. Et un rapport qui dépeint le sport comme, je cite, un secteur particulièrement exposé au risque d’atteinte à la probité ».
La ministre assure s’ériger en rempart contre ceux, qui à son sens, veulent détruire le sport français. « Je suis heureuse au fond de pouvoir un peu en ce moment vous servir de paratonnerre, décrit-elle. Mais je ne veux laisser personne insulter notre sport ni déshonorer notre vie. Je ne veux rien céder aux calculs politiques injustes de ceux qui aimeraient se payer le sport à peu de frais. » Une ligne que partage David Lappartient, le patron du CNSOF : « De grâce, cessons de dépeindre le sport comme étant un lieu où il n’y aurait que des gens peu fréquentables, avait-il lancé quelques minutes avant. Il y en a, comme dans tous les univers. S’il doit y avoir des débats, qu’il y en ait aussi dans la culture, dans la politique ». Sportive l’année 2024 ? Oui, sur tous els terrains.
Bruno Fraioli
© SportBusiness.Club janvier 2024.