Audit et tensions à la Ligue de Football Professionnel

Après le choix du duo DAZN-Bein Sports qui devrait va se partager la diffusion du championnat de France de football de Ligue 1 pour près de 500 millions d’euros par saison, mais qui n’a toujours pas été acté officiellement, un audit a été lancé au sein de la Ligue de Football Professionnel (LFP) et de sa société commerciale à cause de résultats “pas au niveau”. C’est ce qu’ont annoncés Jean-Pierre Caillot (président du Collège Ligue 1), Jean-Pierre Rivère (vice-président du Collège Ligue 1) et Laurent Nicollin (président du syndicat Foot Unis) mardi 16 juillet 2024 dans un communiqué.

“Un audit de tous les postes de charges de la LFP et LFP Media a été confié à plusieurs présidents car il s’avère que malheureusement les résultats ne sont pas au niveau des investissements consentis”, expliquent le trio de présidents de club. Malgré un accord de diffusion, la manne financière des droits TV sera certainement beaucoup moins importante qu’escompté. Du coup, les services financiers de la LFP travaillent depuis deux semaines sur le réajustement de leur budget.

Charges prévisionnelles, application de la VAR en Ligue 2, arbitrage, convention avec les différents acteurs du foot français (syndicats, FFF, etc), aide à la relégation et même taxe Buffet: tout est étudié pour faire des économies et redonner aux clubs le plus gros montant possible. A un mois du début de la saison 2024/2025 et au bout d’interminables négociations, la LFP a fait le choix dimanche en conseil d’administration d’une répartition des rencontres entre la plateforme de streaming DAZN, nouvel entrant dans l’écosystème du football français, et Bein Sports, la chaîne qatarie de sport. .

Loin du milliard escompté

« DAZN n’est pas vraiment un choix de la LFP, dans la mesure où il s’agissait du seul diffuseur manifestant un intérêt, selon Pierre Maes, consultant en droits TV. La LFP s’est une nouvelle fois ridiculisée par un amateurisme déconcertant ». Pour les deux prochaines saisons au moins, DAZN devrait diffuser huit des neuf rencontres de chacune des 34 journées pour 400 millions d’euros, l’affiche de chaque journée revenant à Bein Sports pour 100 millions. Des négociations sont toujours en cours sur ce volet de l’affiche. Bein Sports aurait la possibilité de sous-licencier la diffusion à une autre chaine, selon une clause.

En plus de ces 500 millions sur les droits nationaux, le football français percevra 160 millions annuels pour les droits à l’international, plus 40 millions pour la L2, soit un total de 700 millions d’euros annuels, loin du milliard espéré en octobre par le président de la Ligue, Vincent Labrune. Désormais, « l’heure est plutôt à apaiser le contexte, rassurer ceux qui ont décidé d’acheter nos droits et les encourager à travailler les meilleures grilles tarifaires,» détaille le communiqué.

Partisan de la création de la propre chaine de la Ligue, Vincent Labrune a renoncé devant l’insistance des petits et moyens clubs, qui avaient besoin d’un apport financier immédiat pour ne pas mourir, ce que la chaine 100% L1 longtemps évoquée ne permettait pas. Il s’est finalement attiré la foudre des présidents des clubs adossés à de grands groupes financiers, moins dépendants des droits TV, qui militaient, eux, pour l’option “chaine LFP”.

De l’inquiétude dans les clubs

« Je suis un président inquiet pour l’état financier du foot français. 500 millions d’euros valorisés, c’est in fine environ 9 millions d’euros pour le RCL. Jamais les clubs de L1 n’ont touché aussi peu au titre des droits TV,» a réagi le président de Lens Joseph Oughourlian lundi sur Linkedin.

L’autre point d’achoppement est le prix d’abonnement: plus de 30 euros par mois pour DAZN et 15 euros par mois pour Bein Sports « Le prix d’abonnement pour DAZN semble très cher, plus cher que l’actuel abonnement d’Amazon (21,98 euros, NDLR), ce qui pose question sur le nombre d’abonnés limité et sur l’équilibre économique possible pour la plateforme», explique Philippe Bailly, président du cabinet NPA Conseil spécialisé dans l’audiovisuel.

« C’est de nouveau cher, illisible et contraignant. Cette situation a pour effet de pousser le consommateur vers les solutions illicites, le streaming illégal et l’IPTV,» estime le spécialiste Pierre Maes. Pour lui, cela « relègue les clubs français loin derrière leurs concurrents du Big 5, ce qui aura pour effet d’appauvrir le niveau des joueurs présents sur les pelouses françaises. Du cercle vertueux vanté par Vincent Labrune au cercle vicieux. La gouvernance se retrouve aujourd’hui au centre de toutes les interrogations, Labrune est lâché et ne tient plus rien, et les présidents de clubs se déchirent ». (Avec AFP)

© SportBusiness.Club Juillet 2024