Les Jeux olympiques ont certes moins la cote auprès des parieurs qu’une Coupe du monde de football, mais l’événement suscitera tout de même l’intérêt aux quatre coins du globe. De quoi pousser le régulateur français des jeux en ligne à redoubler de vigilance. Au nord de Paris, dans l’Adidas Arena toute neuve de la Porte de la Chapelle, qui accueillera cet été les compétitions de badminton et de gymnastique rythmique, l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) et le comité d’organisation de Paris 2024 (Cojo) ont profité de la tenue des Yonex Internationaux de France de badminton, qui se sont conclus dimanche 10 mars 2024, pour sensibiliser les arbitres.
Rappel des règles de paris en France, avec interdiction de parier sur toute discipline des Jeux quand on est impliqué (athlètes, arbitres, bénévoles, prestataires…), détails des sanctions encourues (jusqu’à cinq ans de prison ferme pour délit de manipulation, voire 10 ans si c’est en bande organisée)… L’intervention de l’ANJ et du Cojo se valait pédagogique. « Les J.O. ne sont pas la compétition qui suscite le plus de paris sportifs dans le monde, on est loin du Mondial de foot, mais c’est un événement avec des dizaines de disciplines sur lesquelles normalement, en France, on ne peut pas parier, explique Corentin Segalen de l’ANJ. Donc on se tient prêt en cas de problème ».
Le coordinateur de la plateforme nationale de lutte contre la manipulation des compétitions sportives poursuit : « L’objectif c’est d’intervenir le plus en amont possible, avant même que les criminels aient pu placer des paris suspects ». Pour cela, l’Agence et Paris 2024 travaillent avec les parties prenantes : arbitres, coachs et athlètes. Il s’agit de leur indiquer la conduite à tenir s’ils sont approchés par quelqu’un qui souhaite truquer un match. La voie est souvent les réseaux sociaux.
Peu de risque pour le très haut niveau
« On intervient depuis presque un an pour sensibiliser tous ceux qui participeront aux Jeux : le risque existe et il faut qu’ils l’aient en tête,» confirme Blandine Sorbe, directrice de la conformité pour Paris 2024. Aux arbitres de badminton, un sport qui suscite beaucoup d’engagements de paris, notamment en Asie, les formateurs rappellent un épisode des Jeux de 2012 à Londres (Grande-Bretagne) où des joueuses avaient été disqualifiées par leur fédération pour avoir délibérément perdu. Cela même si aucun lien avec des paris n’était apparu.
Toutefois, pour Gilles Cavert, arbitre international de ce sport, la manipulation des compétitions ne présente “aucun risque” pour les Jeux : « A très haut niveau c’est très très rare, affirme-t-il. Ca existe à un petit niveau ». Cette année, les fichiers des fédérations seront croisés avec ceux des parieurs pour s’assurer que les règles soient respectées.
L’ANJ dispose également d’outils pour analyser les cotes et déceler les comportements suspects, avec un accès au profil de chaque joueur. « En France, le système est assez unique: la présidente de l’ANJ peut prendre une décision de suspension de paris, explique Corentin Segalen de l’Agence. L’idée, c’est que les criminels ne gagnent pas d’argent avec les paris français et que les parieurs de bonne foi soient remboursés ».
Pas de paris sur le breaking
L’enjeu est de taille: le marché des paris sportifs en ligne dans le monde est estimé en 2023 à plus de 63 milliards de dollars (soit 57 milliards d’euros) en Produit brut des jeux (PBJ), c’est-à-dire la différence, empochée par les sociétés de jeu, entre les mises des joueurs et leurs gains, selon des chiffres présentés aux arbitres. En France, en 2023, les mises totales sur les paris sportifs ont atteint 13 milliards d’euros, dont environ 8,5 milliards en ligne, selon l’ANJ, pour un PBJ de 2,4 milliards d’euros.
Pour les JO, « ce n’est pas forcement le genre d’épreuves sur lesquelles parient nos clients, car les athlètes sont moins connus mais on va bien sûr proposer des paris sur toutes les épreuves possibles, indique à l’AFP Nicolas Béraud, patron du site de paris Betclic. Depuis le 1er mars de cette année, une nouvelle liste de compétitions sportives sur lesquelles les paris sont autorisés par l’ANJ. D’autres ont été retirées jugées sensibles à la manipulation.
Beaucoup de disciplines des Jeux olympiques figurent dans cette liste, mais pas certains nouveaux sports, comme le basket 3×3, le breaking, l’escalade, le skateboard et le surf, et pas quelques disciplines plus “classiques” comme le plongeon, la natation artistique, la gymnastique, le tir, ou le dressage et le concours complet en équitation. L’ANJ indique n’avoir pas reçu de demandes des opérateurs de jeux en ligne pour les intégrer à la liste. (Avec AFP)
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