Chronique. La décote olympique de la boxe, l’haltérophilie et du pentathlon

Par Alain Lunzenfichter*. Ce fut la surprise olympique du jour. Jeudi 9 décembre 2021, à l’issue d’une réunion du Comité exécutif du Comité international olympique (CIO), Thomas Bach, le président de l’instance sportive, a annoncé la “mise en examen” de trois fédérations sportives internationales : l’haltérophilie, présente aux premiers Jeux de l’ère moderne à Athènes (Grèce) en 1896, la boxe, apparue en 1904 à Saint Louis (Etats-Unis), et le pentathlon moderne, arrivée en 1912 à Stockholm (Suède). Tous trois ont été mis la sellette en vue des Jeux olympiques de Los Angeles 2028. Rayés du programme.

Exclu temporairement, le trio a aussitôt été remplacé par un autre : l’escalade, le surf et le skateboard. Les trois disciplines sont directement intégrées dans liste des 28 sports certains d’être présents en Californie dans un peu moins de sept ans. Ce choix est un pas de plus du mouvement olympique vers la jeunesse. Evincés à titre provisoire la boxe, l’haltérophilie et le pentathlon moderne peuvent toutefois se refaire. S’ils y parviennent il y aurait alors 31 sports aux Etats-Unis… Sans compter les disciplines que va choisir Los Angeles comme sports supplémentaires.

Dopage, corruption, collusion…

La boxe, l’haltérophilie et le pentathlon moderne ont été déchus pour des motifs bien différents. Pour la boxe, c’est notamment en raison de la multiplication, depuis des lustres, de problèmes de corruptions, de décisions contestables, de collusion entre pays pour faire gagner ou perdre certains boxeurs. C’est surtout pour la gestion douteuse, presque mafieuse, de sa fédération internationale, l’AIBA (International Boxing Association). En difficulté, l’instance sportive peut sauver sa place à condition qu’elle adhère à une “feuille de route” établie par le CIO sur ses finances, sa gouvernance, son arbitrage et son jugement.

Pour l’haltérophilie, c’est également la gestion douteuse de la fédération internationale, notamment durant la présidence du Hongrois Tamas Ajan qui est critiquée. Il y a aussi des problèmes de corruption mais surtout la multiplication incroyable de cas de dopage aux Jeux olympiques. Cela a pris une telle proportion qu’il est aujourd’hui difficile de croire à la véracité d’aucun des résultats… Cerise sur le gâteau : la vieille garde de la fédération internationale est réfractaire à tous changements et freine l’arrivée de sang nouveau.

Enfin, le troisième sport dans l’œil du cyclone du CIO, le pentathlon moderne, les raisons sont encore différentes. Ici, il n’est pas question de dopage, ni de corruption, mais, comme le dit Thomas Bach, d’une nécessité de « démontrer une réduction significative des coûts et de la complexité, et une amélioration dans les domaines de la sécurité, de l’accessibilité, de l’universalité, de l’attrait pour les jeunes et le grand public ». En gros, la discipline doit se rendre plus accessible au grand public. Pourtant, la Fédération internationale (UIPM) est sans doute le sport qui a le plus changé durant ces vingt dernières années : la compétition est passée de 5 jours, à une journée. Ce sera même 90 minutes dans un proche avenir. C’est sur un autre point que tique le CIO : le maintien de l’équitation parmi les cinq épreuve de la discipline.

Combien de sports à Los Angeles ?

Le problème n’est pas nouveau. Dès 1994, le président du CIO demandait la suppression de l’équitation du pentathlon moderne et son remplacement par le cyclisme. Le sport a sauvé plusieurs fois sa tête dans le programme des Jeux. Ce fut le cas en 1997 et en 2002. Cette fois, le CIO revient à la charge après un incident à Tokyo : mécontente de sa prestation, une concurrente allemande avait frappé sa monture. Rien n’était officiel, mais “on” a fait comprendre à la fédération de pentathlon qu’il était désormais temps de supprimer l’équitation, épreuve jugée très coûteuse et qui pouvait être une loterie : les cavaliers ne connaissent leurs chevaux tirés au sort que 20 minutes avant la compétition. Le pentathlon est donc dans l’obligation de trouver rapidement une épreuve alternative sous peine de voir s’envoler ses ambitions olympiques ! Cela, certains athlètes ne l’ont pas encore compris.

Los Angeles 2028 avec 28 sports au programme, peut être 31 si la boxe, l’haltérophilie et le pentathlon parviennent à convaincre avant fin 2023, et même jusqu’à 34 ou 35, s’y s’ajoutent quelques disciplines supplémentaires, les Américains vont frôler le trop plein. Chaque sport va devoir se serrer la ceinture car le CIO reste très strict sur le nombre des athlètes maximum : 10 500 participants, comme à Paris en 2024. Pas un de plus. Du coup, il y a une forte probabilité de voir des sports passer par une cure d’amaigrissement. Même le football pourrait y passer… et peut-être même disparaitre des Jeux. La décision de la FIFA d’organiser une Coupe du monde tous les deux ans a beaucoup irrité le CIO. Ce n’est pas la première fois que le foot est en danger : la discipline ne se maintient aux Jeux que pour ses stades pleins synonymes de recettes de billetterie. La finale France/Brésil des Jeux de 1984 à Los Angeles avait rassemblé plus de 107 000 spectateurs !

© SportBusiness.Club Décembre 2021

(*) Alain Lunzenfichter est un des créateurs de la revue Courir en 1977. Journaliste, il a été rédacteur en chef adjoint de L’Equipe. Ancien président de l’association mondiale des journalistes olympiques, il est gloire du sport français et membre de l’Académie des sports.