Park, les fantômes des éléphants blancs d’Athènes

Laissé à l’abandon, le village olympique des Jeux d’Athènes 2004 est à l’image de ce groupe de jeunes désœuvrés vedettes du film grec Park qui sort ce mercredi 8 juillet au cinéma. Ces jeunes adultes et adolescents tuent le temps et leurs journées dans ce lieu fantôme ouvert aux quatre vents où subsistent encore quelques anneaux olympiques seuls souvenirs du récent passé sportif du lieu.

Park suit, entre la piscine et le stade d’entrainement du village olympique, l’errance d’un jeune couple, dont le garçon se fait quelques billets en vendant les saillis de son pitbull Aris. La jeune fille, aussi désorientée que son compagnon, a du mal à oublier les blessures physiques subies durant sa carrière de gymnaste. La réalisatrice grecque Sofia Exarchou, dont il s’agit du premier long métrage, laisse, sur un temps long, sa caméra sublimer ces tristes éléphants blancs.

© SportBusiness.Club Juillet 2020

Park. Grèce (201). Un film de Sofia Exarchou. 100 minutes. Sortie le 8 juillet 2020.


3 questions à Sofia Exarchou, réalisatrice de Park*

Qu’est-ce qui vous a donné l’idée d’utiliser le village olympique abandonné d’Athènes ?

Sofia Exarchou : « Je voulais représenter un groupe d’adolescents vivant dans un lieu abandonné, dans un environnement social qui ne leur donne aucune échappatoire et aucun espoir pour l’avenir. J’ai commencé à chercher cet endroit dans les environs d’Athènes et c’est à ce moment-là que j’ai découvert l’histoire du village olympique : ce village a été construit uniquement pour les besoins des Jeux olympiques, sans aucun aménagement urbain, avec des maisons toutes identiques entourées d’une clôture. Il est complètement isolé, en bordure d’un axe routier, loin de tout véritable quartier. Cet endroit semble abstrait, comme s’il pouvait exister à n’importe quelle époque, n’importe où dans le monde. Mais en même temps, il a une forte signification symbolique pour la Grèce. Les Jeux olympiques de 2004 ont apporté beaucoup d’espoir à l’ensemble du pays, mais ont finalement marqué son effondrement. Maintenant, il existe en tant que no man’s land non pas à cause d’une guerre ou quelque chose comme ça, mais en tant que no man’s land créé par les J.O. et je trouve fascinant d’en parler ».

En termes d’espace physique, dans quelle mesure l’idée de déterminisme environnemental est-elle en jeu dans le film ? On a l’impression que le parc lui-même est en quelque sorte responsable des actions et du destin des adolescents.

S.E. : « Le film traite du lien entre l’espace et les adolescents, il vise à dépeindre ce qui se passe quand on place ces jeunes avec toute l’énergie et les rêves qu’ils ont pour leur vie dans un lieu mort qui n’a rien à leur donner. Le lieu a beaucoup à voir avec les actions des adolescents parce qu’ils y sont piégés, tout leur comportement animalier découle de cette tension dans leur vie quotidienne. Quand nous avons travaillé avec les jeunes et le décor, je disais “Ok, maintenant tu es coincé dans les vestiaires, tu as chaud et tu veux prendre une douche, essayons d’exprimer ce sentiment et de créer une réaction quand l’eau sort”. L’espace n’est pas totalement responsable de leurs actes, mais c’est leur seul mode de vie. Ils ont douze ou quatorze ans, ils ont donc passé presque toute leur vie dans cet endroit agressif et cette agressivité devient une partie d’eux-mêmes ».

Quels ont été vos points de départ pour le film ?

S.E. : « La plupart des gens pensent que le film a été inspiré par la Grèce et le village olympique d’Athènes, mais en réalité je voulais simplement parler d’un groupe d’adolescents qui vivent dans un endroit abandonné ; sans aucun espoir, aucune issue, rien. Puis j’ai trouvé le village olympique et j’ai commencé à écrire le scénario. Au départ, j’avais trois images : l’image d’un groupe d’adolescents courant et jouant parmi des ruines sportives ; celle d’un jeune garçon avec un chien errant au-dessus de l’eau sale d’une piscine abandonnée ; l’image d’une fille blessée, une athlète à la retraite, qui vit dans cet endroit – et lentement j’ai commencé à relier les pièces, à créer de petites histoires. J’aimais l’idée de « créer un monde » à partir de ces matériaux. Le lieu, le village olympique, est réel mais Park n’est pas un documentaire. C’est la combinaison d’un environnement réel avec tous ces personnages imaginaires et leurs histoires. En pensant au Village et à tout ce qu’il représente pour la Grèce, mais aussi pour le monde occidental en général, je voulais dépeindre la contradiction entre l’image de cette jeune génération et ce lieu “hanté”. L’histoire du “grand spectacle” et l’effondrement après le “spectacle” ».

(*) Extraits du dossier de presse de Tamasa Distribution.