Coureur le jour, assassin la nuit

Les salles de cinéma viennent de rouvrir et parmi les premiers films à nouveau à l’affiche figure Midnight Runner dont l’histoire est fortement inspirée d’un véritable fait divers, celui d’un très bon coureur de fond, militaire suisse, meurtrier d’une jeune femme en 2002 et coupable d’autres tentatives. Dans Midnight Runner, premier long métrage du suisse Hannes Baumgartner, le personnage central, Jonas, est un athlète de haut niveau dont le rêve est de disputer le marathon des Jeux olympiques. Cuisinier la journée, il s’entraîne dur mais la nuit le jeune homme doit maîtriser ses pulsions meurtrières.

Une des scènes du film a été tournée durant le Grand Prix de Berne (Suisse), une épreuve de 10 miles (16,1 kilomètres) au milieu des 30 000 participants. L’acteur principal, Markus Amrein, a du s’immiscer en course parmi le peloton de l’élite. « Le vrai défi était qu’on ne pouvait tourner certaines scènes qu’une fois, par exemple le départ et l’arrivée, raconte l’acteur interprétant Jonas. Je n’ai pas fait la course en entier, mais à chaque fois que j’y étais, je n’avais pas le droit de montrer de la faiblesse et je devais suivre les meilleurs coureurs à tout prix ».

Le tournage se passe heureusement sans encombre durant la course. « Quand j’ai enfin franchi la ligne d’arrivée, encouragé par le vrai public, je me suis vraiment senti comme un athlète de haut niveau durant un bref instant, confie Markus Amrein. J’étais euphorique ». Avant d’entrer dans la peau de son personnage, l’acteur a réalisé une préparation physique intense de plusieurs mois avec un coach et un cardio. « Je ne voulais pas juste jouer un bon coureur ; je voulais en devenir un, » affirme-t-il en lâchant avoir même arrêté de fumer.

Midnight Runner (Der Laufer), un film de Hannes Baumgartner (Suisse, 2018). 1h 32mn. Initialement prévue pour le 18 mars, la sortie du film a été retardée au 24 juin 2020 à cause du confinement.

© SportBusiness.Club Juin 2020


3 questions à Hannes Baumgartner, réalisateur*

Midnight Runner se base sur une véritable histoire. Qu’est-ce qui est vrai dans l’intrigue, et qu’est-ce qui relève de la fiction ?

Hannes Baumgartner : « Le film est une interprétation subjective des faits réels qui se sont déroulés. Je me suis concentré sur une restitution aussi authentique que possible du développement émotionnel et non sur un récit objectif des faits. Je m’intéresse au processus d’isolement de Jonas, son grand sentiment de vide et de désespoir. En ce sens, nous avons pris la liberté artistique de densifier la vraie histoire et d’ajouter des éléments fictionnels à quelques endroits. Dans le but de protéger les personnes affectées et d’établir une zone créative de liberté, nous avons changé tous les noms et déplacé l’intrigue du début des années 2000 à aujourd’hui ».

Que représente le sport pour le personnage principal ?

H.B.: « Le sport est un exutoire important pour les frustrations, la déception et le vide intérieur de Jonas. Le succès athlétique le soutien et le réaffirme aussi dans sa quête de reconnaissance et d’attention. Dans le même temps, le sport devient une façade : la stabilité que Jonas démontre au monde extérieur à travers sa carrière d’athlète, lui donne paradoxalement une aura qui le rend intouchable – personne ne pense qu’un athlète de haut niveau et à succès peut avoir des problèmes d’aussi grande envergure ».

Jonas incarne une image de forte masculinité à l’extérieur…

H.B.: «…absolument. Surtout en tant qu’athlète de haut niveau, et en particulier dans un sport aussi inhabituel que le Swiss Army Run, où un fusil de chasse est porté sur le dos, même s’il n’est jamais utilisé. En tant qu’athlète de haut niveau, Jonas peut incarner une puissante image de masculinité. Il a la volonté d’endurer l’effort, de gagner et reçoit une reconnaissance pour cela. Dans sa vie privée et son environnement de travail, il complète son image publique en incarnant un jeune homme humble et respectueux. Son pouvoir se concentre dans son apparence extérieure qui contraste fortement avec son intérieur : il ne semble pas y avoir de lien entre le Jonas externe et interne ».

(*) Extraits du dossier de presse de Midnight Runner (Tamassa Difusion)