Les filles de Reims montent sur les planches

Théâtre

Le football féminin inspire les auteurs. Au cinéma, l’aventure des filles de Reims, la première réelle équipe féminine de club, a déjà donné lieu à une comédie, “Comme des garçons”. L’histoire passe au théâtre avec “Féminines”, une pièce écrite et mise en scène par Pauline Bureau qui se joue jusqu’à samedi 7 décembre à Paris au Théâtre des Abbesses puis en tournée (voir ci-dessous). L’auteure, qui a rencontré les vraies héroïnes de l’époque dans les années soixante, retrace le parcours de ces femmes et leur combat.

L’essentiel de la pièce se déroule dans les vestiaires de l’équipe, avec le coach “Paul” (Nicolas Chupin), ses “filles” et son adjoint “Titoune” (Yann Burlot). Grâce à des décors coulissants et en deux niveaux, la scénographie envoie également les personnages à leur domicile, en pleine forêt ou à l’usine. Les scènes d’entraînement et de match sont retransmises en vidéo sur un écran géant. «Les intermèdes de films nous font avancer dans le temps et permettent au spectateur de suivre les joueuses de leurs débuts en 1968 à leur consécration à la coupe du monde de Taïpei en 1978,» explique Emmanuelle Roy, la scénographe. “Féminines” est un spectacle hybride où la musique a également son importance.

L’ombre de Megan Rapinoe

L’esprit de ces pionnières est bien retranscrit et au delà du football féminin, c’est l’évolution de la femme dans la société dans l’après 1968 qui transpire dans la pièce. On y suit les interrogations et les combats de “Marie-Maud” (Catherine Vinatier) la maman modèle en quête d’évasion de son quotidien, “Rose” (Louise Orry-Diquero) la jeune ouvrière qui s’oppose à un conjoint violent, “Marinette” (Camille Garcia), adolescente surdouée qui cache sa passion à son père, ou “Joana” (Marie Nicole) la meneuse de jeu du groupe au caractère trempé dont le personnage fait évidemment penser à Megan Rapinoe l’Américaine sacrée meilleure joueuse de la Coupe du monde féminine 2019.

En deux heures, de nombreux thèmes sont abordés dans Féminines : l’égalité salariale des femmes au travail, l’émancipation sociale, les violences conjugales, l’homosexualité, mais aussi les questions des transferts et du sponsoring. Dans cet univers, le coach, “Paul”, ancien journaliste, tente de tirer son petit groupe vers le haut grâce au foot et l’humour : «Entre celles qui pensent à elle, et celles qui pensent à leur père, il y en-t-il une qui pense au jeu ?» ; «Pour gagner, il faut savoir perdre !» ; «Il faut se fixer des buts avant de les atteindre, mais il faut surtout les marquer.» De vraies paroles de coach ponctuées par une programmation musicale inspirée dont le You’ll Never Walk Alone, célèbre hymne des supporters de Liverpool. (Article mis à jour lundi 2 décembre 2019)

© SportBusiness.Club Novembre 2019

Féminines, au Théâtre des Abbesses à Paris du 27 novembre au 7 décembre 2019 puis en tournée (voir-ci-dessous). Texte et mise en scène : Pauline Bureau. Scénographie : Emmanuelle Roy. Production : La part des anges. Distribution : Yann Burlot, Nicolas Chupin, Rébecca Finet, Sonia Floire, Kéa Fouillet, Camille Garcia, Marie Nicolle, Louise Orry-Diquero, Anthony Roullier, Catherine Vinatier.


3 questions à Pauline Bureau, auteure et metteuse en scène (*)

Féminines, c’est un spectacle sur la première équipe féminine de football. Et c’est une comédie.

Pauline Bureau : «J’avais envie d’écrire une comédie, de raconter une histoire qui soit joyeuse et qui pouvait dire quelque chose du monde d’aujourd’hui. Je voulais raconter des parcours croisés de femmes qui sont très différentes les unes des autres (il y a une lycéenne, une femme au foyer, des ouvrières…) et qui vont se rencontrer pour faire, ensemble, quelque chose qu’elles n’auraient jamais imaginé faire : jouer au foot. Ce n’était pas quelque chose qu’elles avaient prévu mais elles vont y prendre beaucoup de plaisir. Elles vont se retrouver à un endroit où on ne les attend pas – ni la société ni leurs familles n’avaient prévu ça pour elles, et où elles-mêmes ne s’attendent pas. Moi, par exemple, c’est ce qui a pu m’arriver avec l’écriture. Je ne pensais pas, je n’aurais jamais imaginé écrire. Pourtant, le jour où je l’ai fait, j’ai trouvé là, non seulement une nécessité, mais en même temps, une évidence et une place dans le monde, qui me correspondait vraiment et à laquelle je n’avais pas pensé. Je pense que Féminines raconte cela, comment on peut prendre sa place, à un endroit qui semblait impensable et imprenable

À l’intérieur de cette histoire d’une équipe de foot, il y a bien d’autres choses qui se jouent.

P. B. : «Déjà, il y a la loi, puisque le foot est interdit depuis 1941 et que les femmes n’ont pas le droit de le pratiquer. Cette question des sports d’équipe masculins a souvent été analysée comme une façon de reviriliser les pays après les guerres. Mais ça interroge aussi sur les bandes de filles, et leur absence, sur l’angle mort de cet imaginaire-là. C’est aussi la question du corps, mais pas comme corps regardé ou comme chose esthétique. C’est le corps actif, le corps puissant, qui m’intéressait dans cette histoire: donner à voir la transpiration, la course, le dépassement de soi, l’agressivité, le combat sur le terrain, autant de choses qu’on ne voit pas tant que cela associées aux femmes, et que j’avais envie de voir et de représenter. Et puis, je travaille aussi avec des actrices qui ont des corps extrêmement différents, des tailles différentes, des poids différents et je trouvais cela beau de trouver cette galerie-là des possibles. (…) Enfin, il y a le collectif : je voulais représenter une équipe, avec ses victoires, ses défaites, ses moments de doute, ses engueulades, ses moments d’immense solidarité, raconter ce qu’est un groupe, avec ses orages et ses moments de joie. On les suit toutes, avec des fils qui s’emmêlent et ce n’est pas l’histoire d’un personnage, c’est l’histoire de dix personnes qui vont se rencontrer, autour de cette aventure, autour de ce que ça va bouger chez chacune d’elle. (…)»

Quel a été votre point de départ pour raconter cette histoire ?

P.B. : «C’est une histoire qui s’inspire du réel, mais je m’en suis éloignée pour la raconter à la manière d’un conte. J’ai interviewé les joueuses et ce qui est beau, dans les interviews, c’est qu’il y a ce qui se dit, et il y a ce qui ne se dit pas, ce que j’en ai ressenti, c’est-à-dire l’énergie, l’émancipation, l’émotion, le collectif. J’ai donc raconté l’histoire de l’équipe avec ses grands moments d’une façon assez fidèle et en inventant tout à fait et totalement les parcours individuels des joueuses. Ce qui m’intéressait, c’est que chacune puisse croiser des choses différentes et qu’il y ait plusieurs parcours d’émancipation ; finalement, quand elles se mettent à courir sur un terrain, ça fait bouger des lignes, dans les familles, dans le monde du travail, dans toutes les sphères de la vie

(*) Extraits du dossier de presse «Féminines». Propos recueillis par Benoîte Bureau, dramaturge de Féminines.

Féminine en Tournée (2019-2020)

  • 10 décembre : Herblay (Val d’Oise), Théâtre Roger Barat
  • 16 au 20 décembre : Dijon (Côte d’Or), Théâtre Dijon Bourgogne
  • 9 janvier : Cesson-Sévigné (Ille-et-Vilaine), Le Pont des Arts
  • 14 et 15 janvier : Belfort (Territoired e Belfort)Le Granit
  • 21 janvier : Fos-sur-mer, Théâtre de Fos
  • 24 janvier : Toulon (Var), Théâtre Le Liberté
  • 4 et 5 février : Dunkerque (Nord), Le Bateau feu
  • 8 février : Nesle (Somme), La Nouvelle Scène de la Somme
  • 10 et 11 mars : Angoulême (Charente), Théâtre scène nationale
  • 18 et 19 mars : Mulhouse (Haut Rhin), La Filature
  • 24 et 25 mars : Chatenay-Malabry (Hauts de Seine), Théâtre Firmin-Gémier La Piscine.
  • 31 mars : Thionville (Moselle), Le Nest