Quatre jours après, la cérémonie d’ouverture des JO de Paris était toujours sous le feu des critiques à travers le monde mardi, de Donald Trump qui l’a qualifiée de « honte » à Recep Tayyip Erdogan condamnant « l’immoralité commise contre le monde chrétien ».
Dans le même temps, la DJ française, militante féministe et lesbienne Barbara Butch, mise à l’honneur dans le controversé tableau incarné par des drag queens, a porté plainte pour cyberharcèlement aggravé, menaces de mort et injures publiques aggravées depuis la cérémonie vendredi soir. Le parquet de Paris a ouvert une enquête.
De nombreux responsables politiques conservateurs, ainsi que des autorités religieuses ont interprété ce passage comme une moquerie du dernier repas de Jésus avec ses apôtres, la Cène, telle que représentée par Léonard de Vinci, ce que les organisateurs démentent.
« J’appellerai le pape à la première occasion pour partager avec lui l’immoralité commise contre le monde chrétien et contre tous les chrétiens. Les Jeux olympiques ont été utilisés comme un outil de perversion qui corrompt la nature humaine », a réagi le chef de l’Etat turc devant une réunion de son parti.
« Je suis très ouvert d’esprit mais j’ai trouvé que ce qu’ils ont fait, c’était une honte », a pour sa part déclaré Trump, candidat républicain à la présidentielle américaine, lors d’une interview à la chaîne américaine Fox News.
« Le respect de #JesusChrist est un sujet indiscutable (…) pour les musulmans. Nous condamnons ces insultes dirigées contre les saintes figures des religions divines », écrit aussi le compte officiel du guide suprême iranien, l’ayatollah Khamenei, sur X.
Aucune « volonté de moquerie »
« Vous ne trouverez jamais chez moi une quelconque volonté de moquerie, de dénigrer quoi que ce soit », avait pourtant assuré ce week-end Thomas Jolly, directeur artistique de la cérémonie, niant s’être inspiré de la Cène et affirmant voir voulu faire « une grande fête païenne reliée aux dieux de l’Olympe ».
Sur les réseaux sociaux, certains renvoient d’ailleurs au tableau « Le Festin des Dieux », peint vers 1635-1640 par Jan Harmensz van Biljert, avec un Apollon couronné présidant à table et Bacchus au premier plan, conservé dans un musée à Dijon (est de la France).
La polémique a commencé alors que le show n’était pas terminé, des voix à droite et à l’extrême droite s’indignant d’une cérémonie « woke », avec une vision qui « cherche à ridiculiser les Chrétiens », à l’instar de la Française Marion Maréchal ou de l’Italien Matteo Salvini.
L’épiscopat français a déploré « l’outrance et la provocation » de certains passages d’une cérémonie qui « a malheureusement inclus des scènes de dérision et de moquerie du christianisme ».
Younan Hano, archevêque syriaque catholique de Mossoul, a critiqué une « insulte à la religion mais aussi à l’humanité », appelant les chrétiens d’Irak à jeûner en réaction.
L’Eglise chrétienne orthodoxe bulgare, traditionnellement proche de la Russie, a dénoncé un spectacle « qui a troublé et insulté le monde chrétien (…) indépendamment des motifs déclarés des organisateurs ».
L’Eglise orthodoxe roumaine a elle réagi sur Facebook, par la voix de son porte-parole Adrian Agachi, déplorant qu’un événement de cette « ampleur » serve de « publicité de l’idéologie woke »
Pour sa part, Al-Azhar, l’une des plus prestigieuses institutions de l’islam sunnite basée en Egypte, a condamné dans un communiqué « les scènes d’irrespect envers le Christ » et « de promotion de l’homosexualité ».
« Artiste Schtroumpf »
« Ce qui est sûr, c’est qu’avec Thomas Jolly, on n’a jamais parlé de religion, ni de la Cène », a répondu mardi dans les colonnes du journal français Le Monde le chanteur Philippe Katerine, dont l’apparition en Dionysos bleu pailleté et quasi nu en conclusion de ce tableau a également fait réagir.
« Stupéfait » par ces réactions, l’artiste, qui précise avoir grandi dans la religion chrétienne, a formulé un mea culpa: « Ce qu’il y a de plus beau dans cette foi, c’est l’idée du pardon. Alors pardon, si j’ai pu laisser passer un malentendu, si j’ai pu choquer des gens. J’en suis bien désolé. Je crois que le pardon peut être réciproque ».
L’historien français Patrick Boucheron, qui a participé à l’écriture du spectacle, a lui souligné auprès du Monde qu’il avait été imaginé comme un « manifeste contre la peur ».
« Pourquoi faudrait-il se laisser intimider par des idéologues, virtuoses dans l’art de détester ? Ils veulent nous séparer au seul motif que nous sommes différents, quand tant de gens continuent à vouloir vivre ensemble », a-t-il martelé.
Et d’ajouter dans un entretien à la revue française Le Grand Continent: « Et puis là encore, ne nous voilons pas la face : trouvait ici à s’exprimer l’homophobie ordinaire. »
Malgré ces polémiques, la cérémonie a suscité une émotion et un enthousiasme très largement partagés, y compris à l’étranger.
Le Dionysos de Philippe Katerine est notamment devenu une tendance sur les réseaux sociaux en Chine, où il est surnommé « l’artiste Schtroumpf ». (AFP)
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