Paris 2024: le défi des transports se joue aujourd’hui

La préparation du plan de transport des Jeux olympiques de Paris est un parcours de fond, de l’organisation de “rafales” de bus en banlieue à l’orientation des spectateurs, explique son auteure Laurence Debrincat, directrice de la prospective et des études chez Ile-de-France Mobilités (IDFM), l’autorité régionale des transports. « On travaille depuis la candidature de Paris aux JO, raconte-t-elle. On avait à l’époque une modélisation assez rustique, avec un gros tableur Excel » pour voir quelles dessertes étaient possibles, en partant d’un calendrier fictif basé sur les épreuves de Londres en 2012.

Les choses sont évidemment devenues plus concrètes quand Paris a été officiellement choisie pour accueillir les Jeux, en septembre 2017. L’équipe de Laurence Debrincat, soit 15 personnes a temps plein, s’est d’abord intéressée aux capacités des gares et des stations, qui sont, dit-elle, « un facteur plutôt limitant ». De nombreuses stations de métro, notamment, n’ont pas été conçues pour accueillir des foules.

Typiquement, l’Etoile royale, qui accueillera des épreuves équestres au fond du parc de Versailles, est desservie par le nouveau tram-train T13. Mais celui-ci apparaît déjà comme très insuffisant pour transporter les spectateurs attendus. « Il ne faut pas envoyer des milliers de spectateurs sur des lignes qui n’ont pas la capacité parce que ça peut être extrêmement dangereux, créer des mouvements de foule, etc., souligne la responsable. Du coup, on s’est mis à chercher des stations un peu plus loin. Soit ça reste accessible à pied, soit ça ne l’est pas et dans ce cas, on a travaillé sur des navettes bus ». Pour l’Etoile royale, il faudra prendre un autobus à Versailles.

Les trafics ligne par ligne

Toutefois, faire rouler ces navettes demande pas mal de travail. En effet, il faut créer ex nihilo de véritables gares routières temporaires qui permettront d’envoyer les bus “en rafales”. Cela exige aussi de trouver de la place pour faire stationner lesdits bus. Laurence Debrincat part du principe que, d’ici les Jeux, les opérateurs ne manqueront plus de conducteurs. Pour elle, les difficultés de ces derniers mois devraient être oubliées.

Les 7 millions de spectateurs des Jeux olympiques, programmés du 26 juillet au 11 août 2024, doivent pouvoir arriver aux 25 sites de compétition en transports collectifs. Cela dans un contexte de pleine période estivale avec un tiers des voyageurs habituels en vacances. « En journée, on aura l’équivalent d’un gros jour d’hiver, (avec) des déplacements qui vont être beaucoup plus concentrés dans Paris et au niveau des sites, prévoit Laurence Debrincat. On a comparé les trafics ligne par ligne, heure par heure, avec les capacités de desserte habituelles l’été pour se demander: “est-ce qu’il y a besoin de renforcer l’offre ou est-ce que ça passe comme ça?” ».

Il n’y a pas de choix : les opérateurs de transport devront être prêts. « Plus on se rapproche de l’événement, plus on rentre dans le détail, » jusqu’aux barrières pour canaliser les foules, remarque la dirigeante. On a monté maintenant un modèle bien plus bien plus compliqué » en prenant en compte les lieux de résidence des spectateurs. « Et on va attendre les statistiques des ventes de billets à l’unité, ce qui nous permettra d’affiner nos hypothèses, poursuit-elle.

Une application pour le transport des Jeux

Certains jours seront “plus compliqués que d’autres”. Ainsi, mardi 30 juillet 2024 pourrait être, selon elle, “la journée la plus complexe”. Pour orienter les spectateurs, IDFM travaille sur “une application olympique”, une variante de son appli habituelle. « On va échanger dans les semaines et mois qui viennent avec les autres calculateurs d’itinéraires, » comme Google Maps ou Citymapper, pour proposer des parcours passant par des lignes ayant assez de capacité.

Maintenant que le plan de transport est établi, IDFM travaille sur les “plans B”. Il s’agit de prévoir des itinéraires alternatifs en cas de panne. Ce sera, bien sûr, quitte à faire marcher un peu les gens. Ces solutions alternatives pourront être bien utiles car le fonctionnement du réseau francilien est notoirement erratique. Des centaines de milliers d’habitants de la région souffrent tous les jours de retards et d’annulations de trains. De plus, tous les travaux en cours ne seront pas achevés pour le début des Jeux.

Les RER B et D, qui desservent de nombreux sites et le centre olympique de Saint-Denis ainsi que l’aéroport international de Roissy, sont en particulier les lignes les plus irrégulières de la région. Autre difficulté possible: Que fait-on si les épreuves prennent du retard ? « Et il y a aussi des compétitions qui peuvent être reportées le lendemain si vraiment les conditions météorologiques sont exécrables, » frémit déjà la patronne de la prospective chez IDFM.

Par Jean Liou – Agence France-Presse

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