Rénovation du stade Bauer à Saint-Ouen, un équilibre entre foot populaire et rentabilité

Des boutiques, des restos ouverts 7/7: bienvenue au Stade Bauer à Saint-Ouen, en Seine Saint-Denis. Le vénérable antre du Red Star se métamorphose en “lieu de vie” avec l’objectif pour son nouveau propriétaire de trouver un équilibre entre le foot populaire et rentabilité sans froisser les supporteurs. Construite en 1909, l’enceinte n’a pas bougé depuis l’agrandissement de 1975 et se trouve dans un état de « vétusté indigne », déplore le maire PS de Saint-Ouen (48 000 habitants au nord de Paris) Karim Bouamrane.

Faute d’argent, les différentes municipalités ont laissé dans les cartons les nombreux projets de rénovation. Si bien qu’en 2018, lorsque le Red Star accède en Ligue 2, le club est contraint de s’exiler à Beauvais (Oise) pour jouer ses matches car le stade ne répond pas aux exigences professionnelles. Loin de ses supporteurs, le Red Star, l’un des plus vieux clubs français (1897), est relégué en National (3e niveau) dès l’année suivante. La goutte de trop pour le président du club Patrice Haddad, qui menace de plier bagages tandis que l’influent Collectif “Red Star Bauer” milite pour rester à Saint-Ouen. Une rénovation est finalement décidée et, « pour avoir un projet qui n’altère pas les finances de la ville, il fallait vendre, » explique M. Bouamrane qui a cédé le stade le 18 mai au groupe immobilier Réalités pour 26,5 millions d’euros.

La Bauer Box

Une enceinte de 10 000 places verra le jour, surplombée par la “Bauer Box”, un ensemble immobilier de 30 000 m2 composés de bureaux, commerces et services. Les travaux (35 millions d’euros) se font par phases pour permettre à l’équipe de jouer. Entamés l’été dernier, ils s’achèveront au printemps 2024. « Notre objectif est d’ouvrir le stade sur la ville, d’en faire un équipement utile aux habitants, » a mis en avant Yoann Choin-Joubert, PDG du groupe Réalités, lors de la présentation du projet. « Avec la Bauer Box nous créons l’opportunité d’avoir sur ce territoire une nouvelle destination unique de loisirs vivant 7 jours sur 7, » se réjouit le nouveau bailleur.

Une “vision” qui agace les supporteurs historiques: ils ont claqué la porte du comité de pilotage. « C’est l’enfouissement du stade sous un centre commercial, » grince l’un d’eux. « On aurait souhaité une rénovation simple mais on est réaliste, ce n’est pas gratuit de faire un stade. Le nouveau propriétaire n’est pas un philanthrope, » temporise le responsable du groupe des ultras Vincent Chutet-Mezence.Dans l’impasse, la municipalité a organisé une médiation pour obtenir une adhésion populaire.

« Le stade fait partie de notre patrimoine et notre histoire. Nous sommes engagés auprès des supporteurs pour qu’il n’y ait pas de naming (adosser un sponsor au nom du stade), qu’on respecte une architecture à l’anglaise, » explique l’édile de Saint-Ouen qui se décrit comme « un supporteur passionné et raisonné ». Le groupe Réalités, qui a dû abandonner le projet du Yellopark de Nantes, a accepté d’amender son projet en augmentant la tribune Nord où se trouve le kop et surtout d’occulter la baie vitrée du restaurant donnant sur cette tribune.

« Plus de respect pour l’histoire du club »

Pour le président du Red Star Patrice Haddad, « la nouvelle enceinte permettra de grandir, rayonner et accéder à la L2 ». Selon le publicitaire, le club défend toujours « une vision d’un football humaniste et accessible. Le nouveau stade Bauer sera une locomotive d’un territoire en croissance ». Le nouveau public du stade calque celui de Saint-Ouen, estime Nicolas Maisetti, politologue et observateur de l’évolution de la tribune depuis 10 ans. « On voit des gens de classe moyenne supérieure blanche trentenaire et très école de commerce, » affirme-t-il. Loin de l’image du bastion communiste et des chants antifascistes qui émanent des gradins depuis des décennies.

« Aujourd’hui, je suis mal à l’aise quand on me demande qui est Rino Della Negra, » attaquant des années 40, engagé dans la Résistance et fusillé par l’occupant allemand à 21 ans, confie le chercheur et membre du kop qui porte le nom du footballeur. « Il n’y a plus de respect pour l’histoire du club mais l’idée que c’est hype (tendance) d’aller au Stade Bauer, c’est de l’encanaillement facile, c’est triste pour le foot populaire, » se désole t-il. Néanmoins, « il reste le noyau dur qui est dans une logique de partage et de transmission de l’histoire et qui a permis d’obtenir des modifications du projet auprès du nouveau propriétaire, » tempère cet amoureux du Red Star. (AFP)

Par Wafaa Essalhi

© SportBusiness.Club Novembre 2021