Le documentaire roumain Football Infini, qui sort en salle mercredi 6 juin, propose de revoir les règles du football actuel. Cette histoire vraie débute dans la petite ville de Vaslui où Laurentiu Ginghina habite depuis plus de quarante ans. Haut fonctionnaire travaillant en Préfecture, son passe-temps, la nuit, est d’inventer les règles d’un nouveau football. Son objectif est d’augmenter la vitesse de jeu et de réduire considérablement les fautes. Peut-être la future révolution du ballon rond ?
Les trois principaux points des «nouvelles règles»
1/ Abolir la règle actuelle du hors-jeu et permettre des déplacements parfaitement libres sur tout le terrain. Cela représente un avantage pour les attaquants mais également pour la défense qui peut ralentir l’attaque en renvoyant le ballon au-delà de la ligne de dribble.
2/ Le problème de la violence. La ligne de dribble permet de réduire le nombre de fautes par le truchement d’une nouvelle règle : quand l’arbitre siffle une faute, le joueur qui remet le ballon en jeu peut exceptionnellement l’envoyer au-delà d’une ligne de dribble pour une faute mineure, de deux lignes de dribble pour une faute plus grave.
3/ Le jeu défensif. «Aujourd’hui, beaucoup d’équipes envoient intentionnellement le ballon vers leur défense et leur gardien. C’est sans doute la stratégie la plus laide qui puisse exister. Les nouvelles lignes permettent d’empêcher le jeu défensif sans pour autant l’interdire. En effet, avec la liberté de déplacement acquise par les attaquants, le jeu défensif devient une grave erreur».
Football infini (Roumanie 2018), documentaire réalisé par Corneliu Porumboiu. Sortie en salle mercredi 6 juin 2018. Avec Corneliu Porumboiu, Laurentiu Ginghina.
Trois questions à Corneliu Porumboiu, réalisateur*
Comme Match Retour, Football Infini est un documentaire qui tourne autour du football. Quelle raison y a-t-il à cela ?
Corneliu Porumboiu : «Le football est rattaché à mon enfance. Enfant, je jouais dans une équipe. Et de plus, mon père était arbitre. Aujourd’hui, j’aime le foot en tant que spectateur. Cependant, je n’ai jamais eu l’intention de faire des films sur le football. Dans les deux cas, l’idée de départ n’était pas de parler du foot en tant que tel. Pour ce qui est du documentaire, j’avais simplement envie d’essayer d’autres formats. D’habitude, je passe un temps fou à écrire mes scénarios de fiction. Les documentaires m’offrent davantage de liberté, ils me permettent de faire du cinéma autrement avec moins de pression. Ce sont des respirations».
Quel a été le point de départ de Football Infini ?
C.P. : «Laurentiu est le grand frère de mon meilleur d’enfance. Il vit toujours à Vaslui, ma ville natale. Il y a environ quinze ans, il m’a parlé de son nouveau sport, de son idée de changer les règles du football. A l’époque, cela m’a fait rire. Quinze ans plus tard, lorsque j’ai compris qu’il y travaillait encore, je me suis dit que c’était sans doute plus sérieux que je ne l’imaginais. Football Infini n’est pas un film sur le football. C’est le rapport entre l’histoire personnelle de Laurentiu et les règles qu’il a inventées qui me fascinait. Laurentiu a imaginé des règles à partir de son expérience. Par exemple, la forme octogonale du terrain est une proposition qui vient inconsciemment de sa blessure : en réalité, il souhaitait couper la partie du terrain où il a été blessé. Autre exemple : il recycle des lignes de hors-jeu expérimentées aux Etats-Unis dans les années 1970 car, comme il le dit dans le film, il a plusieurs fois tenté de partir travailler en Amérique mais il n’y est jamais parvenu».
Le politique, la société semblent s’inviter d’eux-mêmes dans le film, notamment dans la séquence au bureau de Laurentiu…
C.P. : «La séquence à la préfecture est très importante. Elle montre un épisode du quotidien de Laurentiu et elle témoigne en même temps des affres de la bureaucratie roumaine. La revendication de la vieille dame résonne tout particulièrement avec les questions que Laurentiu se pose quant à son football car c’est un enjeu de territoire. La dame vient réclamer un territoire qui lui est dû tandis que Laurentiu essaie de délimiter le territoire des différents joueurs sur le terrain. Pour lui qui est très maniaque avec les papiers et l’organisation, cette demande génère de la confusion et du stress».
*Extraits du dossier de presse de Football Infini