Est-ce la sortie de trop ? Les propos à l’emporte-pièce de Noël Le Graët sur Zinédine Zidane ont suscité une avalanche de réactions indignées. Elles fragilisent le président de la Fédération française (FFF), déjà sous pression depuis les révélations sur les dysfonctionnements de l’instance. Et ces déclarations polémiques ne pouvaient pas tomber plus mal : ce mardi 10 janvier le dirigeant breton, 81 ans, sera entendu par la mission d’audit et de contrôle diligentée par le ministère des Sports. Son but est notamment d’éclaircir les pratiques managériales de l’instance sportive en matière de violences sexistes et sexuelles.
Déjà secoué par des accusations de “harcèlement“ et de comportements “inappropriés” de la part d’ex-salariées, anonymes et qu’il a toujours contestées, Noël Le Graët a aggravé son cas en s’attaquant à l’icône Zidane, longtemps considéré comme l’option N°1 à la tête de l’équipe de France, en cas de non renouvellement de Didier Deschamps. Celui-ci a finalement été prolongé jusqu’en 2026. « Je ne l’aurais même pas pris au téléphone, a-t-il lâché sur RMC. Pour lui dire quoi? “Bonjour monsieur, ne vous inquiétez pas, cherchez un autre club, je viens de me mettre d’accord avec Didier”? »
A une question sur un intérêt supposé du Brésil pour l’ex-N°10 de l’équipe de France championne du monde 1998, Noël Le Graët a ajouté: « J’en ai rien à secouer, il peut aller où il veut, dans un club, il en aurait autant qu’il veut en Europe, un grand club ». Toutefois, l’ancien maire PS de Guingamp, d’habitude peu enclin à l’autocritique, a pris la mesure du tsunami provoqué par son intervention. Il présenté ses “excuses” personnelles à Zinédine Zidane, comme le lui avait réclamé la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra.
Quelles conséquences ?
« Je tiens à présenter mes excuses pour ces propos qui ne reflètent absolument pas ma pensée, ni ma considération pour le joueur qu’il était et l’entraîneur qu’il est devenu. Zinédine Zidane sait l’estime immense que je lui porte, comme tous les Français, » a affirmé le président de la FFF dans une déclaration à l’AFP. De Kylian Mbappé, qui a jugé sur Twitter que “l’on ne manque pas de respect à la légende comme ça”, aux ex-coéquipiers de Zidane en bleu Youri Djorkaeff et Laurent Blanc, en passant par le Real Madrid, outré par des paroles “indignes”, Noël Le Graët a fait l’unanimité contre lui.
Désormais se posent la question des conséquences sur l’avenir du dirigeant. Son mandat se terminera fin 2024. Lors d’une conférence de presse au ministère des Sports, lundi 9 janvier, Amélie Oudéa-Castera a appelé le Comité exécutif de la FFF à “prendre ses responsabilités”. « Il y au sein du Comex des personnalités éminentes qui ont fait la preuve de leur valeur, de leur efficacité, de leur vision et du sens des responsabilités, a-t-elle déclaré. Je sais qu’elles en feront preuve à nouveau dans les semaines à venir et qu’elles pourront peser pour remettre cette Fédération sur les bons rails ».
Techniquement, le pouvoir politique n’a pas la possibilité de destituer le président de la FFF. Cela provoquerait par ailleurs l’ire de la Fédération internationale (Fifa) qui prohibe toute intervention étatique. Mais il y a quand même un “sentiment de ras-le-bol” au sommet de l’Etat, explique une source gouvernementale qui déplore “une sensation d’accumulation” de “mots inacceptables”. « Il a pété les plombs, » estime cette même source qui relève « un niveau de consternation assez élevé ».
Une fronde des Ligues
La fracture entre la ministre des Sports et Noël Le Graët s’était accentuée durant la Coupe du monde au Qatar, fin 2022. Le patron de la “3F” n’avait pas hésité à s’épancher auprès d’un représentant de l’Etat en critiquant Amélie Oudéa-Castéra… et même le président de la République. Le patron de la FFF avait posé un temps la question de la présence d’Emmanuel Macron à Doha (Qatar), a rapporté une source gouvernementale.
La balle est donc du côté de la FFF et de son Comité exécutif. Eux seuls sont habilités à pousser Noël Le Graët vers la sortie. Un membre du Comex, qui a requis l’anonymat, estime que la situation du dirigeant va être intenable. « Il va y avoir une vague de fond terrible, il va devoir s’en aller. La ministre a raison, il est complétement hors-sol, explique t-il C’est une communication non maîtrisée, mais quand on est président d’une fédération sportive, la plus grande de France, on se maîtrise ».
Le Comex a par ailleurs été secoué de ne pas avoir été averti, au cours de sa réunion la veille de l’Assemblée générale, de la prolongation de Didier Deschamps au poste de sélectionneur, annoncée le lendemain en grande Pompe. Dans ces conditions, la fronde n’est pas loin. Les présidents de Ligue réfléchissent à l’élaboration d’un communiqué commun pour prendre leurs distances avec le président, assure une source fédérale. (Avec AFP)
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