Cerné par les affaires et désavoué par les clubs, Bernard Laporte, figure centrale du rugby français depuis plus de 20 ans, a démissionné de la présidence de la fédération (FFR), à sept mois du Mondial qui se déroulera en France. Son départ a été annoncé vendredi 27 janvier 2023, en matinée, par la ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, Amélie Oudéa-Castéra, devant le siège de la FFR à Marcoussis (Essonne).
Depuis sa condamnation le mois dernier à deux ans de prison avec sursis pour corruption, la ministre poussait vers la sortie cet animal politique qui avait occupé ce même poste au gouvernement entre 2007 et 2009, après avoir été entraîneur du XV de France de 2000 à 2007, et avant de s’emparer de la présidence de la Fédération fin 2016. « Je peux vous confirmer la démission de Bernard Laporte, » a déclaré Amélie Oudéa-Castéra à Marcoussis, où se tenait un important comité directeur de la fédération.
Une nouvelle élection ?
Cette réunion avait pour objet de tirer les conclusions du vote organisé cette semaine auprès des quelque 1 500 clubs de rugby français, qui à 51,06% des votants ont dit “non” à la désignation de Patrick Buisson, un proche de Bernard Laporte, comme président-délégué de la FFR. A la suite de cette démission, les statuts de la Fédération rendent possible la désignation d’un président par intérim par le bureau fédéral, cela jusqu’à la prochaine assemblée générale prévue en juin. Cette option semblait avoir la préférence du comité directeur.
Toutefois, pour Amélie Oudéa-Castéra, la “voie” qui semble « la plus claire, la plus nette, la plus légitime et aussi la plus rapide (…) (c’est) la voie d’une démission du comité directeur, » a-t-elle déclaré aux journaliste présents. « On a tous envie que l’issue de cette crise se fasse le plus rapidement possible », a ajouté la ministre. La veille, cette dernière avait souligné la nécessité d’un retour rapide à la stabilité, et à une “gouvernance claire et légitime”, alors qu’approche la Coupe du monde en France, programmée du 8 septembre au 28 octobre. « J’appelle de mes vœux une élection générale* » sous six semaines comme le prévoient les statuts, a insisté Amélie Oudéa-Castéra.
Cette option est également privilégiée par l’opposition incarnée par Florian Grill, selon qui « les clubs veulent tourner la page ». Vendredi matin, le président de la Ligue Île-de-France, qui sera candidat en cas de nouvelles élections, a annoncé à la presse que les neuf élus de sa liste “Ovale ensemble” avaient démissionné du comité directeur en guise de protestation contre l’attitude des pro-Laporte. « On ne peut pas cautionner ce hold-up, cette manière de faire qui est une espèce de diktat sur le rugby français, a affirmé Florian Grill. La première des valeurs du rugby, c’est de respecter la démocratie. (Les membres du comité directeur fidèles à Bernard Laporte) ont décidé de s’accrocher (au sein du comité) et je le regrette ».
Une nouvelle garde à vue
Bernard Laporte a été condamné le 13 décembre dernier à deux ans de prison avec sursis pour avoir noué un “pacte de corruption” avec l’homme d’affaires et président du club de Montpellier (Hérault), Mohed Altrad. Ayant fait appel de la décision, sa peine, assortie d’une interdiction d’exercer son activité de président de la FFR, n’était pas immédiatement exécutoire. L’ancien sélectionneur des Bleus avait donc refusé de démissionner mais accepté, sous pression, de se mettre en retrait derrière un président délégué jusqu’au procès en appel, qui ne devrait intervenir qu’après le Mondial 2023.
Mais sa position avait été encore fragilisée par sa garde à vue de quelques heures mardi, au lendemain de l’ouverture du vote, dans une affaire de blanchiment de fraude fiscale aggravée. Même s’il en était ressorti libre sans poursuite à ce stade. « Il est parfaitement scandaleux que le parquet ait choisi la date de l’élection de M. Patrick Buisson pour fixer celle de l’audition et que la divulgation de cette audition ait été faite le jour-même, » avait protesté auprès de l’AFP l’un des avocats de Bernard Laporte, Me Jean-Pierre Versini-Campinchi.
Par Laure Brumont – Agence France-Presse
© SportBusiness.Club Janvier 2023
(*) Mise à jour. Dans un communiqué, la Ligue nationale de rugby, “considère que la voie de la sagesse est d’organiser dans les meilleurs délais des élections générales”. La Ligue “n’est pas en accord avec ce processus qui ne tire pas les conséquences du vote des clubs qui ont refusé d’approuver le Président délégué proposé”. Les deux représentants de la LNR au sein du Comité directeur de la LNR vont remettre leur démission.