Candidature des Alpes aux Jeux d’hiver 2030: danger ou opportunité ? 🔓

“Roulette russe” ou “opportunité incroyable”. La candidature annoncée des Alpes françaises aux Jeux olympiques d’hiver de 2030, portée conjointement par les régions Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) et Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Paca) divise. Le dossier de candidature devrait être déposé ce mardi 7 novembre 2023 à Lausanne, au siège suisse du Comité International Olympique (CIO). Les contours du projet seront dévoilés en même temps par le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF).

Les enjeux environnementaux seront au centre de ce dossier. Laurent Wauquiez et Renaud Muselier, les présidents des deux régions concernées, promettent des “jeux sobres” et surtout une “opportunité incroyable” pour leurs territoires.

« C’est quand même un peu la roulette russe » pour la neige, ose, dubitative, Catherine Dufour, une habitante de Chamonix née dans une famille très liée aux Jeux d’hiver puisque son grand-père, son frère et son cousin y ont tour à tour participé. « On avait le village le plus enneigé de France dans le fond de la vallée de Chamonix. Mais aujourd’hui, l’enneigement est piètre, un jour, ça va s’arrêter, » craint cette retraitée de 61 ans, inquiète de la possible “gabegie financière” et “bétonnisation” liée à la construction des infrastructures.

Réutiliser des sites existants

Le maire de Chamonix (Haute-Savoie), Eric Fournier, est catégorique: « Si on reste sur le modèle à l’ancienne, résolument, il n’y a pas la place ». Toutefois, pour lui les Jeux sont possibles si « on travaille avec des sites existants, qui vont avoir un réel avenir et une économie de ressources ».Laurent Wauquiez a justement promis de “s’appuyer sur des infrastructures existantes” pour de “premiers JO durables”.

Car la région a une riche histoire olympique: les tout premiers Jeux d’hiver ont été accueillis par Chamonix, il y a près de 100 ans, puis par Grenoble en 1968 et Albertville en 1992. La Plagne, station perchée à 1 400m d’altitude espère réutiliser sa piste de bobsleigh, l’équipement le plus coûteux des Jeux d’Albertville. « C’est l’exemple à suivre, » explique le maire Jean-Luc Boch, très enthousiaste sur la candidature des Alpes. « La France a fait le choix du tourisme, explique-t-il. Si on arrête toute activité économique, est-ce que ça va changer le réchauffement climatique ?».

Une vision que partage Benjamin Sauze, gérant de société lyonnais en vacances à Chamonix: « Forcément, c’est énergivore mais il faut quand même continuer d’organiser des événements sportifs sur le territoire, » estime-t-il. L’enjeu est crucial dans les Alpes, en pleine interrogation sur l’avenir de leur modèle économique. Selon Domaines Skiables de France, 120 000 emplois dépendent des sports d’hiver, un premier sommet “pour une montagne durable” a été organisé cette semaine à Chamonix pour penser l’adaptation au changement climatique.

Renaud Muselier, président de la région Paca, est confiant: « selon les études on a de la neige jusqu’en 2050 au moins », a-t-il récemment affirmé dans les médias. La « neige va être de moins en moins disponible, » corrige Thierry Lebel, hydroclimatologue. En décembre dernier, la station du Grand-Bornand (Haute-Savoie), à 1 300 mètres d’altitude, avait ainsi dû acheminer 12 000 mètres cubes de neige de stockage par camions pour pouvoir accueillir une étape de la Coupe du monde de biathlon.

Le danger de la neige artificielle

Sans recours à la neige artificielle, 53% des stations européennes feraient face à un risque “très élevé” de manque de neige si la hausse des températures mondiales était de 2 degrés centigrades, selon une étude parue en août dans la revue Nature Climate Change. Or, la neige artificielle est de la “mal adaptation” pour Thierry Lebel car « pour faire face aux conséquences du changement climatique, on émet une quantité encore supplémentaires de gaz à effet de serre, » explique-t-il.

Le projet Jeux olympiques 2030, “c’est le sommet de l’iceberg par rapport à tous les problèmes qu’on rencontre à l’heure actuelle” lié au “tout tourisme” et au “tout ski alpin”, estime Vincent Neirinck, de l’association “Mountain Wilderness8. Et, pour lui, « ça participe à une fuite en avant qui n’est pas acceptable ». Il ajoute : « Quoi qu’on nous promette à chaque édition, les Jeux n’ont jamais fait la preuve de leur innocuité, » insiste le militant. Il pointe ainsi le tout-neige artificielle des Jeux de Pékin (Chine) en 2022 qui ont, selon lui, contribué « à banaliser le serpent de neige au milieu du désert ».

Le Comité International Olympique (CIO) se réunira le 21 novembre pour décider si la candidature de la France est retenue. Deux autres pays ont également fait part de leur intention de déposer un dossier : la Suède et la Suisse. Le CIO a début 2024 entamé des discussions avec les candidats avant de désigner le territoire hôte à l’été 2024. (Avec Agence France-Presse)

© SportBusiness.Club Novembre 2023