La sélection des Alpes françaises comme « hôte pressenti » des Jeux olympiques d’hiver de 2030 réjouit dans les stations qui espèrent accueillir des épreuves, où l’on entend profiter de cette opportunité, mais suscite aussi des inquiétudes sur le coût économique et écologique de l’événement. «C’est une bonne nouvelle », se félicite Bertrand Pujol, restaurateur à La Plagne, où la piste de bobsleigh, héritée des Jeux d’hiver de 1992 d’Albertville devrait être réutilisée. « Ca va ramener du monde », abonde Noémie Ratel, employée d’une boutique de la station.
« Très content », le maire Jean-Luc Boch, également président de l’Association des maires des stations de montagne (ANMSM), évoque « l’obligation de résultat », notamment en terme de transports pour que ces Jeux soient « mémorables ». Si les Soulèvements de la Terre ont très vite appelé à une protestation « festive » samedi à Albertville, la décision du Comité international olympique de ne retenir que le dossier français pour un « dialogue ciblé » a aussi déclenché une des réactions enthousiastes, notamment dans les stations où pourraient être organisées les épreuves.
« Merveilleux rêve devenu réalité », salue Guy Hermitte, maire de Montgenèvre (Hautes-Alpes), pendant que sa consoeur Mylène Agnelli à Isola (Alpes Maritimes) assure que « tout le monde est déjà au travail pour affiner ce dossier ».
La question des transports
Présenté comme un projet « sobre » et « soucieux d’une montagne durable », le pré-dossier propose d’utiliser « 85% des sites existants ou temporaires » dont « 12 des 13 infrastructures construites dans le cadre des JO d’Albertville » en 1992, avec deux patinoires à construire à Nice. Une inconnue: l’anneau de patinage de vitesse – considéré comme une des structures « éléphants blancs », les plus coûteuses et les plus décriées.
Autre point en suspens, le choix du site pour la cérémonie d’ouverture, selon l’étude de faisabilité du CIO. Se pose aussi la question des transports, alors que 300 à 400 kilomètres séparent Nice (patinage et village olympique) des stations des Alpes du Nord, Le Grand-Bornand (biathlon), Courchevel-Méribel, Val d’Isère ou La Clusaz (ski de fond). Soit un « gros bilan carbone » pour le transport des visiteurs, observe le maire de Bourg-Saint-Maurice Guillaume Desrue.
« Pour nous, il est indispensable que la solution ferroviaire soit privilégiée » pour transporter spectateurs et sportifs, souligne-t-il. La gare de la petite ville qui doit selon lui servir de « base arrière » pour les épreuves de ski alpin à Val d’Isère peine déjà pour le transit annuel des 40.000 à 50.000 passagers pendant la saison d’hiver.
A l’heure actuelle, il faut plus de huit heures avec deux à trois correspondances pour relier sa ville à la côte d’Azur en train. Et aller par la route (500 à 600 km) de Bourg-Saint-Maurice à Nice prend actuellement plus de six heures par la vallée du Rhône ou par l’Italie.
Autant de contraintes qui en inquiètent beaucoup. « Nous, on ne se réjouit pas tant que ça… Ca nous embarque dans une organisation pour un événement éphémère qui va avoir des conséquences désastreuses au long terme », avance ainsi Claudie Ternoy-Léger, conseillère municipale écologiste d’Albertville, élue au conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, en évoquant le risque de « dépassement financiers » et de « ravages écologiques ».
« Sept ans de combat »
Le budget prévisionnel de 1,6 milliard d’euros « pour quinze jours » est « indécent face aux enjeux de nos territoires », soulignent pour leur part les élus écologistes des Alpes-Maritimes en appelant à un référendum national sur le projet. En 1992, la facture globale des Jeux s’était élevée à 1,7 milliard d’euros avec un déficit d’environ 45 millions comblé à 75% par l’Etat et 25% par le département de la Savoie. La taxe d’habitation d’Albertville avait augmenté de 40% entre 1990 et 1993.
« En 2030, les JO vont-ils faire rêver alors qu’au même moment des stations de moyenne montagne partout dans notre région vont mettre la clé sous la porte faute d’enneigement ou pour des problèmes financiers? », questionne Fiona Mille, présidente de Mountain Wilderness, une association de protection de la montagne. Elle dénonce les « recettes du siècle passé » du pré-dossier, à l’heure du réchauffement climatique et des canons à neige.
« On est repartis pour sept ans de combat et on ne lâchera rien », assure aussi Stéphane Passeron, membre du collectif No-JO et ancien skieur de fond de haut niveau. La candidature des Alpes françaises doit encore franchir plusieurs mois d’évaluation détaillée avant la décision finale, qui doit être prise l’an prochain, sans doute avant l’ouverture des JO-2024. (AFP)
© SportBusiness.Club Novembre 2023