Les filles de Reims vont droit au but

Comme des garçons, le film de Julien Hallard qui sort mercredi 25 avril, est inspiré d’une histoire vraie, celle des filles de Reims à l’origine du foot féminin en France. Tout a débuté par ce qui avait été considéré comme une grosse blague. Dans l’après-mai 68, un journaliste sportif a une idée saugrenue (à l’époque) : organiser un match de football féminin à l’occasion de la kermesse de son quotidien local, le Champenois. Ce qu’il pensait être une bonne plaisanterie se transforme finalement en un combat : celui de la reconnaissance des femmes par la Fédération française de football, jusqu’alors interdites de licence dans notre pays.

Cette comédie est évidement très romancée, mais la base est véridique. Recrutées via une petite annonce publiée dans l’Union, les filles de Reims, au début des années 70, ont bousculé les lignes et été le point de départ du foot féminin dans une France encore, à l’époque, très teintée de machisme et de phallocratie. Dans Comme des garçons, les hommes fument et les femmes s’occupent des enfants. Ces dernières doivent avoir l’autorisation de leur mari pour pratiquer un sport. C’était il y a 50 ans. Le film ne montre d’ailleurs pas la Fédération française de football sous son meilleur jour. L’institution a heureusement bien changé : elle compte aujourd’hui « UNE » vice-présidente déléguée, « UNE » directrice générale et 160.000 footballeuses licenciées. Curieusement, aucun(e) dirigeant(e) de la FFF n’avait vu le film avant sa sortie.

Trois mois d’entraînement

Le tournage de Comme des garçons a duré deux mois, mais les actrices ont préalablement eu trois mois d’entrainement. Dans le film, elles bénéficient de « doublures jambes », des scènes réalisées avec de vraies joueuses. Cette «équipe» d’actrices avoue aussi qu’un lien particulier s’est tissé entre-elles. «D’habitude, après un film, on se revoit peu, mais là, nous sommes toutes restées en contact par Facebook, confie Vanessa Guide, la numéro 10 qui partage l’affiche avec Max Boublil. Ce film me tenait à cœur, et j’ai accepté parce que c’était du foot. Ça aurait une autre histoire avec de la GRS…».

Enfin, pour la petite histoire, on retiendra que le scénario s’ouvre sur un drame pour la ville et la région : la descente du prestigieux Stade de Reims en 2e division (même si en réalité, le Stade de Reims évoluait déjà en 2e division lors de la saison 1968/1969 !). Le film sort lui alors que le club champenois vient tout juste de gagner son ticket pour rejoindre la Ligue 1 la saison prochaine. Un signe prémonitoire pour Comme des garçons ?

Mise à jour (18 mai 2018) : 82 937 entrées après 3 semaines d’exploitation (du 25 avril au 15 mai). Source : Le film français.


Le Coq Sportif a dit non

Le sponsoring n’est pas absent dans Comme des garçons. Sur leur maillot, les filles arborent ainsi les couleurs de France Mode, dans la réalité une vraie marque de chaussures… mais qui n’a pas de magasin à Reims. Par ailleurs, dans l’histoire, alors que l’équipe féminine de Reims commence à se faire connaître, un sponsor vient à leur rencontre. Il s’agit de l’équipementier français Patrick. La marque signe alors un accord avec le manager. Cette anecdote est véridique, sauf que le sponsor de l’époque n’était pas Patrick mais Le Coq Sportif. Selon mes informations, la marque a décliné l’offre de la production pour apparaître dans le film, une opportunité saisie par Patrick dont le logo se montre donc clairement dans le film.


3 questions à Julien Hallard, réalisateur de Comme des garçons*

Comment avez-vous eu vent de l’histoire des “Filles de Reims” ?

Julien Hallard : «Par hasard, en écoutant une émission de radio où elles racontaient leur aventure. J’ai eu un coup de foudre pour cette histoire : en 1968, Pierre Geoffroy, un journaliste sportif de l’Union de Reims, a passé une petite annonce pour organiser un match de football féminin. Contre toute attente, l’équipe montée à cette occasion et lui-même allaient devenir les pionniers du renouveau du football féminin hexagonal. Il faut savoir qu’à cette époque, les filles ne jouaient pas au football. Ce n’était même pas interdit, ça ne se faisait pas, c’est tout. La Fédération Française de Football ne délivrait pas de licences féminines. Les filles de Reims ont donc mené le combat contre les préjugés avec détermination, talent, et pas mal d’humour. Quand j’ai commencé à écrire à leur sujet, on était en 2012. Non seulement, le football féminin commençait sa percée médiatique mais on assistait à un renouveau des questions autour du féminisme. Bref, il y avait un écho moderne dans cette histoire, un air du temps qui renvoyait à cette période de mutations de la fin des années soixante».

Le casting des onze joueuses a-t-il été compliqué à monter ?

J.H. : «J’ai commencé à penser à des comédiennes de façon individuelle avant d’envisager l’équipe car j’avais besoin d’actrices techniques, dotées d’une vraie puissance de jeu, qui soient capables d’exister rapidement à l’écran dans des scènes de groupe. Leurs personnages avaient beau être des archétypes, elles devaient faire preuve de subtilité et de finesse pour ne pas en faire des caricatures. Après, il fallait les rassembler et favoriser l’alchimie. Ma chance a été l’entrainement footballistique : en se préparant ensemble, deux fois par semaine pendant plusieurs mois, elles ont créé des liens. En arrivant sur le plateau, je savais qu’elles étaient engagées, complices et motivées. L’équipe existait déjà».

Les dirigiez-vous comme un coach finalement ?

J.H. : «Un peu oui. Je les observais individuellement et dans leur globalité. J’avais en tête ce que chaque personnage devait incarner et je tentais de donner une cohérence à l’ensemble. La réalité a rejoint la fiction car elles se sont vraiment prises au jeu : lorsque je faisais sortir Vanessa pour faire intervenir sa doublure, par exemple, elle me fusillait du regard comme un joueur vexé. C’était drôle. De la même manière, les filles voulaient vraiment marquer des buts : les matchs avaient beau être chorégraphiés, elles étaient devenues de vraies compétitrices sur le terrain. Il y avait un côté Actors Studio dans l’appréhension de leur rôle».

*Extraits du dossier de presse de Comme des garçons