Une belle équipe, les footeuses à l’attaque

Pas la peine de chercher bien loin pour savoir où Mohamed Hamidi a trouvé l’inspiration de son dernier film Une belle équipe (en salle mercredi 15 janvier 2020) : «J’ai six sœurs et je suis un passionné de football que j’ai pratiqué quand j’étais jeune,» explique le réalisateur de La vache et Jusqu’ici tout va bien. Cette nouvelle comédie, avec Kad Merad en vedette, suit une équipe de jeunes femmes dont la mission est de remplacer sur le terrain leurs maris ou compagnons interdits de championnat après avoir provoqué une bagarre générale. Le maintien et l’avenir du club, le Spac de Clourrières, est au bout de leurs pieds.

L’idée de ce remplacement est saugrenue. Réellement, elle est même inenvisageable selon les règlements de la Fédération de football. Une belle équipe est une fiction mais où l’humour de certaines scènes suscitées par cette situation rocambolesque fait aussi passer quelques messages sociétaux. C’est le cas de l’inclusion (un personnage est une condamnée en liberté conditionnelle) et également de la place de la femme dans notre société. Le film appuie, au travers de clichés, là où ça peut encore déranger. Pour cela, le football apparaît comme un excellent support de communication. Ainsi, quand les premières volontaires proposent cette solution de substitution aux hommes, personne n’y croit. Certains rigolent. D’autres leur mettront même des bâtons dans les roues. C’est à force de persuasion, d’obstination, d’entraînement et grâce à l’esprit d’équipe que les filles s’imposeront. La vie, quoi.

Un film de foot et féministe

L’actrice Laure Calamy, qui joue le rôle de la femme du président du club, estime que ce film est féministe. «Oui, il aborde même clairement ce sujet à travers par exemple, les scènes sur le partage des tâches, affirme-t-elle. On a tendance à dire que la société évolue parce qu’on voit quelques hommes changer une couche ou faire un peu la vaisselle, alors qu’en fait une étude montre que nous avons gagné seulement quelques minutes de ménage en moins avec toujours la même charge mentale

Ne cherchez pas Clourrières, où se situe l’action du film, sur Google Map : le village est une invention des producteurs. C’est vers Douai, dans le Nord, que Mohamed Hamidi a installé ses caméras, essentiellement à Vitry-en-Artois et à Auby. Une partie des figurants-supporters a même été recrutée auprès de ceux du RC Lens. Une belle équipe a nécessité un travail particulier du réalisateur pour les scènes de jeu. Retranscrire sur grand écran des actions de foot n’est pas facile. «A la télévision, le réalisateur d’une rencontre de football filme l’action, raconte le réalisateur. Au cinéma, on doit filmer l’action et les émotions aussi, donc les visages des comédiens. Du coup cela réclame un double travail. Chaque match a demandé un travail de chorégraphie pour que cela soit vivant dans le film.»

© SportBusiness.Club janvier 2020



3 questions à Mohamed Hamidi, le réalisateur

Pourquoi le football est un bon thème pour le cinéma ?

Mohamed Hamidi : «Le foot ça a été un bon moyen pour les gens dans les quartiers ou les petits villages de s’exprimer, de se retrouver ensemble le dimanche, d’avoir une vie sociale en fait. C’est quand même le sport le plus facile à pratiquer : avec deux buts et un ballon on peut occuper ving-deux gamins. Moi, quand j’étais môme, c’est ce qui m’a le plus rendu service je pense, jusqu’à une certaine époque au moins. Après c’était le lycée et le bibliothèques. Le football a une force sociale et politique très importante

Le football au cinéma permet-il de faire passer des messages plus facilement ?

M.H.: «Oui, parce que dans le football il y a tout, des micro-sociétés, des rapports hiérarchiques et avec les institutions, des questions de rapports entre hommes et femmes ou entre différentes classes sociales. Autour du foot on peut dire pas mal de choses parce que c’est un sujet qui parle à tout le monde. Quand il y a un match de Coupe du monde, la terre s’arrête de tourner. Avec les Jeux olympiques, c’est le sujet le plus fédérateur. Aujourd’hui tout le monde connaît Mbappé, Messi ou Zidane. Le foot est un moyen de transgresser les cultures. Personnellement, je vais partout dans le monde et quand on apprend que je suis franco-algérien, on me parle de Zinédine Zidane. Le foot est un moyen de communication.»

Les films autour du football sont très souvent des comédies. Pourquoi ?

M.H.: «Non, il y a quelques dramatiques. D’ailleurs, l’un des plus grands film français sur le foot c’est Coup de tête et ce n’est pas une comédie. A mort l’arbitre, ce n’est pas une comédie. Les Petits Princes aussi. Moi je fais des comédies, alors j’avais envie de prendre le prisme de la comédie parce que c’est mon travail. Il y a plein de moyens de parler du football, mais la comédie est mon style d’expression favori.»

Entretien réalisé en décembre 2019.


Les couleurs du Stade de l’Est

Dans Une belle équipe, les couleurs des maillots des filles du Spac, sang et or, n’ont pas été choisies par hasard. Il s’agit de celles du club où a évolué le réalisateur du film, Mohamed Hamidi, le Stade de l’Est Pavillonnais, l’équipe locale des Pavillons-sous-bois, commune de Seine Saint-Denis. L’intéressé, passionné de football, a également joué chez les voisins de l’AS Bondy, club d’origine de l’attaquant de l’équipe de France, Kylian Mbappé.

Une « Gone » comme coach pour les filles

C’est Corinne Petit, ancienne internationale, ex-défenseur ou milieu de terrain défensif à l’Olympique Lyonnais, dix fois championne de France, six fois vainqueur de la Coupe de France et cinq fois de la Ligue des Champions, qui a supervisé le travail technique des comédiennes dans Une belle équipe. «Le niveau des joueuses était très faible, indique-t-elle. A part Marion Mezadorian et Sabrina Ouazani, qui avaient un peu pratiqué à l’école et au quartier, les autres n’avaient jamais tapé un ballon et en plus, elles n’étaient pas toutes sportives. (…) Elles étaient à l’écoute avec vraiment une grande envie de progresser. Elles ont appris tous les termes et à se déplacer avec un certain sens du jeu. Le plus gratifiant pour moi était de voir qu’elles prenaient de plus en plus de plaisir à jouer. Et ça, c’est formidable !»