Un comportement « au minimum sexiste », une « légitimité » perdue au sommet du football français et des dysfonctionnements majeurs dans la gouvernance: le rapport provisoire de la mission d’audit sur la Fédération française (FFF) accable son président Noël Le Graët, toujours plus proche de la sortie. Transmis lundi aux dirigeants de la première fédération sportive de France, un pré-rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), diligenté par le ministère des Sports à l’automne dernier, n’épargne personne.
Ni Le Graët, mis en retrait depuis le 11 janvier, ni sa directrice générale Florence Hardouin, mise à pied depuis la même date, ni même le comité directeur de l’instance ou son comité exécutif ne résistent aux conclusions de ce document, provisoire et encore incomplet, dont l’AFP a obtenu une copie. « La mission considère que, compte tenu de son comportement envers les femmes, ses déclarations publiques et les défaillances de la gouvernance de la FFF, M. Le Graët ne dispose plus de la légitimité nécessaire pour administrer et représenter le football français », peut-on lire au sujet du dirigeant de 81 ans, qui vit la période la plus délicate de son mandat démarré en 2011.
Son attitude vis-à-vis des femmes « peut être qualifié au minimum de sexiste », estiment les inspecteurs. La mission a par ailleurs recueilli des témoignages relatifs à des agissements du dirigeant breton « susceptibles de recevoir une qualification pénale ». Les inspecteurs, qui ont effectué le 13 janvier un signalement auprès de la procureure de la République de Paris, ont indiqué qu’ils transmettraient des éléments d’information supplémentaires à la justice.
C’est sur la base de ce signalement que le parquet de Paris a ouvert une enquête pour harcèlement moral et sexuel à l’encontre de Le Graët, mi-janvier. Après un automne marqué par les accusations de comportements inappropriés ou sexistes et un début d’année au rythme des polémiques (propos sur Zidane, enquêtes journalistiques…), Le Graët pourra-t-il résister à cette nouvelle tempête ?
Sollicitée, l’une de ses avocates n’a pas souhaité faire de commentaire dans la soirée de lundi. Mais jusque là, celui que l’on surnomme le « Menhir » a démenti toutes les accusations de harcèlement, fustigeant ces derniers jours une « enquête administrative manifestement à charge ». La FFF, gérée par intérim par le vice-président Philippe Diallo, a pour le moment choisi de temporiser. Elle « communiquera ses propres conclusions et décisions après la remise de l’audit définitif diligenté par le ministère des Sports », a réagi l’instance dans un communiqué.
Ce rapport définitif et contradictoire est attendu mi-février, car les dirigeants (Le Graët, Hardouin, Diallo) ont jusqu’au 13 pour formuler des observations. Ils auront du travail, car au-delà des reproches faits à Le Graët, c’est toute l’instance qui est épinglée sur sa politique de prévention et de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, « ni efficace ni efficiente » selon les inspecteurs de l’IGESR.
La mission, qui propose 18 recommandations à la FFF, assure que ce sujet « n’est pas une priorité déployée rationnellement par la FFF dans les territoires ». Elle n’épargne pas non plus Florence Hardouin, la directrice générale depuis 2013, dont le management « peut être qualifié de brutal », mais pas de « harcelant ».
Ses relations avec Le Graët sont définies comme « toxiques »: « Le couple président – directrice générale a atteint ses limites », estiment les auditeurs de l’IGESR, évoquant des « logiques claniques » de management et une « vision très auto-centrée du pouvoir ». Sollicité, l’entourage de Florence Hardouin a affirmé que la directrice générale « contestait tout manquement dans le cadre de ses fonctions » et qu’elle « rétablira la vérité après la publication de l’audit définitif ». La DG, qui avait été hospitalisée pour un infarctus peu après sa mise à pied, est convoquée à la FFF le 21 février pour un entretien préalable à un licenciement.
Les auditeurs de l’IGESR épinglent aussi le « Comex » de la FFF, essentiellement « un lieu de constats et de consensus » ne laissant « aucune place aux oppositions »… Quant au comité directeur (Codir), baigné dans une « ambiance sexiste et violente (…) jusqu’en 2020 », il « joue davantage un rôle d’échanges d’informations que de pilotage stratégique ». La « Fédé » des vice-champions du monde connaît désormais ses axes de travail. Et les débats lors du prochain « Comex », prévu le 9 février, promettent d’être animés… (AFP)
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