Il fallait être patient pour accéder à Guillaume Martin. “Tête d’affiche” de la conférence de presse de rentrée de l’équipe Cofidis, organisée à Paris début janvier 2023, le « cycliste philosophe » était particulièrement sollicité par les journalistes. Après avoir révélé ses ambitions sportives, son planning de course et sa condition physique, il a répondu à SportBusiness.Club. « Ah ! Les questions vont être différentes c’est bien ! » s’est-il réjouit.
Les footballeurs, les handballeurs ou les basketteurs jouent pour des villes. Les cyclistes évoluent sous les couleurs d’une ou plusieurs marques commerciales. Quel est votre sentiment par rapport à cela ?
Guillaume Martin : « Premièrement le modèle économique est totalement différent. D’ailleurs, je trouve que cela rend le cyclisme un petit plus précaire car nous dépendons de la bonne santé financière de marques ou d’entreprise. En football, le Paris Saint-Germain existera toujours à Paris et le Stade Malherbe Caen reposera toujours sur sa ville. Il y a aussi un enjeu d’identification du grand public et même des coureurs. C’est plus difficile de sentir proche d’une marque que d’un territoire, d’une ville ».
Le nom des coureurs cycliste est systématiquement associé à des marques. Cela vous dérange-t-il ?
G. M. : « J’y pense régulièrement et notamment au moment de mon changement d’équipe en 2019. Je vais être très honnête: ce sont des questions très difficiles. La carrière d’un cycliste est courte. Nous n’avons pas beaucoup de choix parmi les équipes de très haut niveau. J’essaye de trouver un équilibre entre mes ambitions sportives et mes idéaux éthiques. La vie est aussi faite de sacrifices. Si on regarde le peloton professionnel, certains sponsors présents peuvent poser question. Ineos, c’est l’industrie du plastique, Bahreïn Victorious et Team Emirates, ce sont des équipes dont les sponsors reposent sur l’industrie pétrolière. Un coureur voulant aller dans les meilleures équipes mondiales n’a finalement pas d’autres choix que de se vendre à des annonceurs qui ne sont pas forcement éthiques ».
Vous êtes vous retrouvez face à un cas de conscience ?
G. M. : « Ma carrière est faite de compromis. Ma carrière de cycliste professionnel entraîne un mode de vie dont j’ai un peu honte. Je me déplace beaucoup en avion et mon empreinte carbone est beaucoup plus élevée que la moyenne. J’en ai conscience et j’en parle publiquement donc c’est déjà un premier pas, mais, c’est vrai que je ne suis pas très à l’aise avec cela. D’un autre côté, je suis un passionné de mon sport. J’aime ce que je fais au quotidien et je ne suis pas capable de renoncer à cela ».
Etes vous consulté lors de la signature de nouveaux partenaires avec votre équipe ?
G. M. : « D’un point de vue juridique, je n’ai pas de droit de véto ou de regard. Néanmoins, j’apprécie d’être consulté. Cela se fait naturellement et en bonne intelligence avec les dirigeants de l’équipe. De toute manière, il m’est rarement arrivé d’être fermement opposé à l’arrivée d’un partenaire ».
Etes vous sollicité par des marques à titre individuel ?
G. M. : « C’est relativement limité. Simplement parce que les équipementiers négocient directement avec les équipes. Ma seule marge de manœuvre se situe au niveau des chaussures. Je suis actuellement sous contrat avec Mavic. Au-delà des équipementiers je suis très rarement démarché. Pour être honnête, je ne fais pas vraiment de recherche et je ne suis pas très actif sur les réseaux sociaux. Je suis salarié de Cofidis. La grande partie de mes revenus provient de mon contrat de travail. Cela me suffit ».
Entretien : Titouan Laurent
© SportBusiness.Club Janvier 2023