Une semaine après le lancement de la billetterie des Jeux olympiques de Paris 2024, les organisateurs tentent de désamorcer une crispation exprimée notamment sur les réseaux sociaux au sujet des prix, que certains jugent excessifs, faisant vaciller l’objectif affiché de Jeux “populaires”. En 48 heures, le patron du comité d’organisation (Cojo), Tony Estanguet, a été envoyé à deux reprises au front pour désamorcer un début de polémique. Un passage sur RTL mercredi et un autre sur BFM jeudi, deux interviews au cours desquelles le triple champion olympique de canoë a justifié la politique tarifaire que le grand public découvre depuis une semaine.
Interrogé sur le mécontentement exprimé sur les réseaux sociaux, où sont dénoncés la complexité du système de vente et les prix parfois très élevés (comme des places à 690 euros pour des éliminatoires en athlétisme), le patron de Paris 2024 s’est défendu en assurant sur RTL que les Jeux de Paris n’étaient “pas plus chers que les Jeux de Londres (en 2012, NDLR)”. Une comparaison qui, si on entre dans le détail, peut se discuter. Londres proposait par exemple 2,5 millions de billets au tarif minimal, soit plus du double de ce que propose Paris-2024 avec un million de billets à 24 euros.
La grogne monte
Le patron du Cojo a martelé cet argument-massue validant selon lui une billetterie “accessible”: sur les 10 millions de billets en vente, “la moitié”, soit 5 millions, est à 50 euros et moins. « Sauf que cette campagne de communication arrive trop tard, il fallait prévenir les gens avant, tenter d’expliquer les prix. Là c’est une communication de défense, ce n’est pas terrible, » analyse un spécialiste en marketing sportif qui a préféré rester anonyme.
Sur cette première phase de vente par packs (des lots de 3 billets minimum, et 30 maximum), qui a débuté le 15 février 2023 après un tirage au sort, trois millions de billets sont mis en vente. Les sept autres millions seront eux vendus au détail à partir du 15 mai, là aussi après un tirage au sort. Jusqu’ici, les billets se vendent plutôt très bien puisqu’en six jours, sept sports (dont l’escalade et l’escrime) n’étaient déjà plus disponibles à la vente. “Ça part fort, ça part vite”, avait d’ailleurs communiqué le comité d’organisation mardi.
Mais cela n’empêche pas les messages de mécontentements, axés sur les tarifs, de prospérer sur les réseaux sociaux, sans qu’il soit possible de mesurer l’ampleur réelle de la grogne. “Prix et choix lamentables pour les billets (…) honte à vous je suis dégoûté”, tweete par exemple @LaurentRochette. “J’ai pris des billets (…) mais ça m’a ruiné. Encore choquée des prix”, s’indigne @LyvLyvan. Un acheteur, joint par l’AFP et ne souhaitant pas être nommé, assure s’être limité (500 euros d’achat) en raison des tarifs. « J’aurais pris bien plus de billets si c’était moins cher. Mais ces prix sont en rapport avec un tel événement selon moi, » nuance-t-il.
“Machines à fric”
« Ce qui se passe c’est que les gens découvrent que l’événementiel sportif coûte cher. Mais tout de même, les prix frôlent parfois l’indécence alors que les meilleures places ne sont même pas encore en vente, » estime le spécialiste en marketing sportif. Tony Estanguet a toutefois rappelé sur RTL que « des dizaines de milliers de personnes (…) ont pu faire leur programme de rêve dans 750 sessions au choix avec des places à 24 euros ». Il poursuivait : « Forcément il y a de la frustration, on le sait, a-t-il reconnu. On voulait une billetterie accessible, mais cela veut dire qu’à côté de cela, l’autre moitié finance l’organisation des Jeux ».
L’accessibilité de la billetterie fait pourtant partie de l’ADN de ces Jeux qui se veulent “populaires”, un mantra sur lequel s’appuie les organisateurs depuis plusieurs années. Ce début de polémique fissure quelque peu l’édifice. « Tony Estanguet se confronte à la réalité de la promesse de Jeux pour tous, et la réalité du citoyen lambda. Plus on se rapproche des Jeux, plus on se rend compte que ce sera des jeux pour quelques-uns, » analyse David Roizen, expert associé à la fondation Jean-Jaurès.
« Ce n’est pas une faute de Paris 2024, c’est une réalité de ce que sont devenus les grands événements sportifs aujourd’hui, à savoir des machines à fric, » ajoute-t-il. Les recettes de billetterie prévues doivent rapporter près de 1,4 milliard d’euros, hospitalités comprises, sur un budget global de 4,4 milliards d’euros, soit le tiers du budget du Comité d’organisation des Jeux (AFP).
Par Cyril Touaux – Agence France-Presse
© SportBusiness.Club Février 2023