La Chine prête pour ses Jeux, malgré le covid

A une semaine, ce vendredi 28 janvier 2022, du coup d’envoi des Jeux olympiques d’hiver, qui se disputeront à Pékin du 4 au 20 février, la Chine est prête. Mais des nuages troublent l’horizon: le covid, la question des droits de l’homme et des accusations d’espionnage informatique. Pistes de ski, patinoires, tremplins… Dans un pays où la planification est érigée en quasi-religion, la construction de tous les sites de compétition est déjà achevée depuis plus d’un an. La Chine, où sportifs, journalistes et membres des délégations arrivent progressivement depuis quelques semaines, promet des Jeux “splendides, exceptionnels et extraordinaires”. Et ce, malgré une première embûche: le covid.

Grâce à des mesures fortes (confinements localisés, quasi-fermeture des frontières, dépistages, suivi des déplacements), la Chine, hormis des foyers sporadiques, est débarrassée du coronavirus depuis le printemps 2020. Mais avec l’arrivée de milliers d’étrangers, potentiels vecteurs du virus, comment éviter une reprise épidémique ? Une bulle sanitaire, plus contraignante qu’à Tokyo l’an passé pour des Jeux d’été d’été reportés d’un an, doit isoler hermétiquement les participants du reste de la population.

Jusqu’à présent, la digue tient: si des dizaines de cas positifs ont été enregistrés ces derniers jours parmi les participants, il n’y a ni foyer dans la bulle, ni fuite. « Il y a des chances que ces mesures soient efficaces, estime Yanzhong Huang, spécialiste des questions de santé au cabinet américain Council on Foreign Relations. Même si elles risquent de perturber les Jeux. Une équipe entière peut être placée en quarantaine si un des membres est positif ». En dehors de la bulle, la ville de Pékin fait face à un regain épidémique depuis quelques jours, compliqué par l’apparition du variant Omicron.

Boycott diplomatique

Autre front pour Pékin, la question des droits de l’homme: outre les questions de Hong Kong et du Tibet, celle des Ouïghours suscite des pressions internationales croissantes. Depuis des attentats attribués à des islamistes et des séparatistes ouïghours, la Chine impose une chape de plomb sécuritaire à la région du Xinjiang (nord-ouest), où vivent l’essentiel des Ouïghours. Des rapports occidentaux accusent Pékin d’avoir interné dans des “camps” au moins un million de personnes, majoritairement ouïghoures, voire d’imposer des “stérilisations forcées” ou du “travail forcé”.

Sur la base de ces études, Washington accuse Pékin de “génocide”, tout comme les assemblées parlementaires de plusieurs pays comme la France, le Canada ou le Royaume-Uni. La Chine dément ces accusations, dénonce des manipulations statistiques et présente les “camps” comme des “centres de formation professionnelle” destinés à éloigner les habitants de l’extrémisme religieux.

En réponse, les Etats-Unis et quelques alliés occidentaux ont annoncé un “boycott diplomatique” des Jeux de Pékin. « La priorité absolue à l’heure actuelle est notamment que les Etats-Unis cessent de perturber les Jeux olympiques d’hiver, » a déclaré jeudi le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi lors d’un appel téléphonique avec son homologue américain Antony Blinken. Les présidents russe Vladimir Poutine et argentin Alberto Fernandez, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis ou la ministre française des Sports Roxana Maracineanu, entre autres, sont attendus à la cérémonie d’ouverture le 4 février.

Soupçons d’espionnage

Autre affaire embarrassante pour Pékin, qui connaîtra un nouvel épisode durant les Jeux: les questions entourant la joueuse de tennis chinoise Peng Shuai, qui devrait rencontrer Thomas Bach, le président du Comité international olympique (CIO). La sportive avait publié en novembre sur internet un long message sur sa relation sentimentale contrariée avec un ancien vice-Premier ministre. Elle racontait notamment s’être sentie “forcée” d’accepter un de leurs rapports sexuels. Le sort de Peng Shuai, dont le message a été effacé et qui est probablement surveillée de près par les autorités, suscite une mobilisation internationale sous le tag #OùEstPengShuai?

Dans ce contexte, des sportifs protesteront-ils lors des Jeux ? En théorie, la charte olympique est claire: “Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique”. « Il sera intéressant de regarder comment la Chine va gérer d’éventuelles disputes et prises de positions, » note Carole Gomez, spécialiste de la géopolitique du sport à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Les protestations restent toutefois rares aux Jeux olympiques. Aucun incident n’avait émaillé les Jeux d’été 2008 à Pékin, malgré de fortes tensions à l’époque autour du Tibet.

Enfin, à ce tableau se sont ajoutés il y a quelques jours des soupçons d’espionnage potentiel, nourris par le fait que la Chine dispose d’un système sophistiqué de surveillance et de blocage d’internet. Le cabinet canadien Citizen Lab, spécialisé en cybersécurité, accuse l’application MY2022, utilisée par tous les participants aux Jeux, d’avoir des “failles” permettant le piratage de données par Pékin. Le comité d’organisation a dénoncé auprès de l’AFP un procès d’intention qui n’est fondé “sur aucune preuve” et assuré que les failles avaient “déjà été corrigées”. Pour se prémunir, plusieurs comités olympiques occidentaux ont conseillé à leurs sportifs d’utiliser des smartphones, des ordinateurs ou des boîtes courriel de rechange pendant les Jeux. (AFP)

Ludovic Ehret

© SportBusiness.Club Janvier 2022