Le football français a les yeux tournés vers le Sénat: la Haute assemblée doit voter ce mercredi 19 janvier 2022 une proposition de loi LREM sur le sport incluant la création d’une société commerciale chargée de mieux vendre ses droits télés et d’accroître ses revenus, projet qu’il juge vital pour son avenir. « Nous sommes convaincus de la situation dramatique que connaît le football français, » a lancé mardi à l’ouverture des débats le rapporteur du texte, Michel Savin (LR). Selon la Ligue de football professionnel (LFP), qui appelle de ses vœux depuis des mois la création d’une telle société, les clubs français accusent entre 600 et 800 millions d’euros de pertes.
Le foot français, plombé financièrement par la défaillance de l’ancien détenteur des droits télés Médiapro et la crise sanitaire, a déjà commencé de sélectionner des actionnaires potentiels pour cette future société, qui serait adossée à un fonds d’investissement et susceptible d’apporter de l’argent frais et une expertise sur le marché audiovisuel notamment à l’étranger. Arrivée par voie d’amendement à l’Assemblée nationale fin mars dernier, cette société, qui serait une filiale de la LFP, a été accueillie avec prudence par les sénateurs qui l’ont entourée de garde-fous. En commission, ils ont ainsi abaissé la part cessible à un investisseur privé extérieur de 20% à 10% du capital de cette société.
La L1 deviendra-t-elle le championnat de Slovénie ?
Mais depuis, les discussions se sont poursuivies avec la LFP, qui souhaite une part plus importante. Un amendement du rapporteur du texte propose désormais de passer à 15%*, et de faire qu’il n’y ait plus de droit de veto pour la FFF mais “une voix consultative”. Par ailleurs, les statuts de cette future société devront être avalisés par la FFF et le ministère des Sports, selon cet amendement. Le gouvernement a déposé de son côté un amendement pour faire remonter le chiffre à 20%. En cédant jusqu’à 20% du capital, la LFP pourrait espérer lever entre 1,8 et 2,5 milliards d’euros, selon les chiffres de valorisation de la société compris entre 9 et 12,5 milliards d’euros.
Le temps presse, a prévenu le président de la LFP, Vincent Labrune, lors d’une audition au Sénat début décembre: « Si à court terme on n’est pas capables de rentrer un peu d’argent frais dans les caisses pour nous sauver et rebondir, le championnat de France deviendra le championnat de Slovénie ». Si un compromis n’est pas trouvé avant mercredi soir, députés et sénateurs devront s’accorder sur cela et sur les autres dispositifs en commission mixte paritaire le 16 février prochain, avant que le Parlement ne ferme ses portes fin février comme avant chaque élection présidentielle. Sinon la loi ne sera pas adoptée avant la fin du quinquennat, ce qui serait vécu comme une catastrophe par le football professionnel français.
La ministre chargée des Sports, Roxana Maracineanu, escompte bien à cette occasion revenir sur la version votée par l’Assemblée au sujet de la parité intégrale dans les fédérations, mécanisme dont le Sénat a ralenti le calendrier de mise en place. « Le monde du sport est un système ancien, assez conservateur, c’est une question de démocratie, de renouvellement, » a plaidé l’ancienne championne de natation mardi soir.
Blocage des sites illégaux de paris sportifs
S’agissant du football, le gouvernement va aussi présenter un amendement sur l’amende forfaitaire délictuelle annoncée dans l’éventail de mesures contre les violences dans les stades après une série noire depuis la fin de l’été dernier. “L’introduction, la détention ou l’usage de fusées ou artifices de toute nature (fumigènes) ou l’introduction, sans motif légitime, d’objets susceptibles de constituer une arme dans une enceinte sportive” pourra être puni d’une amende forfaitaire “d’un montant de 800 euros” (minoré à 640 euros et majorée à 1 600 euros), au lieu des trois ans de prison et 15 000 euros d’amende actuels, dit un texte.
Autre modification, la possibilité pour le président de l’Autorité nationale des jeux (ANJ), sous le contrôle du juge administratif, d’intervenir pour bloquer des sites de paris sportifs illégaux, pour plus d’efficacité, au lieu d’un blocage judiciaire qui prend de “quatre à six mois”. Promise au début du quinquennat comme une grande loi sport destinée à encourager la pratique sportive, l’ambition de cet texte a été revue à la baisse comme l’ont souligné tous les parlementaires tant à l’Assemblée en mars dernier qu’au Sénat. Un texte qui manque « furieusement d’ambition, » a ainsi résumé le sénateur Claude Kern (UDI). (AFP)
Déborah Claude
© SportBusiness.Club Janvier 2022
(*) Mise à jour. Le Sénat a adopté le principe de la société commerciale en fixant à 15% la part cessible de celle-ci à un investisseur. Les sénateurs ont revu cette part à la hausse, de 10 à 15%, par rapport à ce qu’ils avaient décidé la semaine dernière en commission.