Les caméras augmentées au cœur de loi olympique

Caméras boostées aux algorithmes, scanners corporels mais aussi de nouveaux types de contrôles antidopage, le projet de loi sur les Jeux olympiques, très axé sur la sécurité, passe au laser “vigilant” du Sénat ce mardi 24 et mercredi 25 janvier 2023. La mesure principale est d’autoriser les caméras dites “augmentées” permettant de détecter des mouvements de foules suspects. « L’enjeu est aussi de tirer les leçons de ce qui s’est passé au Stade de France avec la finale de la Ligue des Champions, » fin mai 2022, résume le sénateur LR Michel Savin.

Entre des spectateurs sans billets escaladant les grilles, des détenteurs de billets bloqués à l’entrée, des familles aspergées de gaz lacrymo par la police ou encore des vols et des agressions, la finale avait tourné au cauchemar. Et ce fiasco avait ravivé les craintes entourant la sécurisation des Jeux de Paris, en particulier la cérémonie d’ouverture sur la Seine, une configuration inédite. La ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, Amélie Oudéa-Castéra, et le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, viendront défendre un texte de 19 articles présenté jusqu’ici comme “mineur” ou “technique”.

Réclamée notamment par le délégué interministériel aux Jeux, Michel Cadot, l’utilisation de caméras “augmentées“ est “inédite” explique la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), ce qui “soulève des enjeux nouveaux et substantiels en matière de vie privée”, en particulier quand les images émanent de drones. Le texte a été toiletté après l’avis de la Cnil et du Conseil d’Etat.

Dès France 2023

L’expérimentation de ces caméras d’un nouveau type, jusqu’au 30 juin 2025, pourra débuter dès l’entrée en vigueur de la loi, et concerne aussi les manifestations “récréatives” ou “culturelles” qui sont “particulièrement exposées à des risques d’acte de terrorisme ou d’atteinte grave à la sécurité des personnes”, ainsi qu’à leurs abords et dans les transports environnants. Elles pourraient donc être testées pour la Coupe du monde de rugby en 2023.

Ce texte, “essentiellement sécuritaire“, “nécessite de la vigilance” car il va en réalité instaurer des “mesures pérennes”, estime le sénateur PS Jean-Jacques Lozach. « Il ne faudrait pas tomber dans une surenchère sécuritaire attentatoire aux libertés individuelles, » prévient-il. Le gouvernement assure depuis des mois qu’il ne souhaite pas instaurer la reconnaissance faciale pour les Jeux. Un amendement LR sur le sujet a été retiré en commission, a fait savoir la rapporteure du projet, Agnès Canayer (LR).

Sur le sujet des caméras “augmentées”, la commission des Lois a apporté de nouvelles “garanties”, explique Agnès Canayer. Un amendement a par exemple été adopté pour que “le traitement comporte des mesures de contrôle humain et un système de gestion des risques permettant de prévenir et de corriger la survenue de biais éventuels ou de mauvaise utilisation”. La question des biais, et d’erreurs éventuelles en découlant, est dans toutes les têtes.

Intrusions interdites

« Nous avons aussi renforcé le rôle de la Cnil pour accompagner les créateurs d’algorithmes, a encore précisé la rapporteure. Il y a une conscience qu’il faut que ces Jeux réussissent, que c’est un enjeu national, et qu’il faut donner au gouvernement les moyens pour qu’ils se déroulent dans les meilleures conditions ». Mais ce projet suscite la colère de l’association la Quadrature du net pour qui “le gouvernement utilise les Jeux comme prétexte pour faire passer des mesures qui visent à accélérer la surveillance de la population”.

La possibilité de scanners corporels, existant déjà dans les aéroports, ainsi que le “criblage” des personnes accréditées dans les fans zones, fera aussi débat, prédit Michel Savin. Autre sujet sensible: la possibilité de tests génétiques, dans des cas très limités, afin de se conformer aux standards mondiaux de l’antidopage. Sur cet article, la commission des Lois a introduit un distinguo. Les tests génétiques les plus invasifs, avec de “l’ADN codifiant”, visant à vérifier qu’il n’y ait pas de dopage génétique (thérapie génique, ARN messager, édition génique), seront en “expérimentation”. Redoutés par les gendarmes anti-dopage, ces cas de “dopage génétique” n’ont jamais été détectés jusqu’à présent.

Tandis que les tests de type empreintes génétiques, pour vérifier qu’il n’y ait pas eu transfusion ou substitution d’échantillon, seront autorisés sans expérimentation, a détaillé Agnès Canayer. Le projet renforce aussi les sanctions en cas d’intrusion dans une enceinte sportive. Un amendement du sénateur centriste Claude Kern étend la sanction aux “primo-délinquants”, sans antécédents. Outre des supporters malveillants, la mesure peut viser des actions de militants écologistes. Le texte prévoit aussi des dérogations à l’ouverture des commerces dimanche pendant les Jeux. Un vote solennel est prévu mardi 31 janvier. (AFP)

Par Déborah Claude

© SportBusiness.Club Janvier 2023