Interview. C’est un signal d’alarme que tire Olbia Conseil. A près d’un an de l’ouverture de l’événement, l’agence s’est penchée sur l’après Paris 2024. Tout se n’arrêtera pas au soir du 8 septembre, quand la flamme paralympique s’éteindra… et les acteurs du sport ne sont pas très optimistes pour cet avenir proche. A l’INSEP (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance), dans le bois de Vincennes à l’Est de Paris, l’agence a présenté lundi 10 juillet les premiers résultats d’une enquête inédite et prospective.
Plusieurs dizaines de personnalités du monde sportif, institutionnel et privé, ont été questionnés sur leur vision du sport en France en 2025 et en 2030. Sur héritage, qui, selon eux, restera des Jeux de Paris, que ce soit pour la pratique, le haut niveau ou l’économie. Olbia leur a aussi demandé ce que la préparation et l’approche des Jeux ces 6 dernières années a changé pour eux. William Heude, Directeur associé chez Olbia Conseil, dévoile en exclusivité les points forts de cette enquête.
Quel était l’objectif enquête sur le sport en France après les Jeux de Paris 2024 ?
William Heude : « Nous avons lancé cette enquête “Comment entretenir la flamme allumée en 2017” pour comprendre comment le fait d’accueillir les Jeux en France a eu et a un impact sur les prises de décisions et le développement des acteurs du sport. Ce n’est pas une enquête sur l’héritage de Paris 2024. L’objectif est de voir ce qui a été accompli depuis 2017 jusqu’à aujourd’hui, mais également de se projeter sur la suite, notamment l’année à venir qui sera essentielle pour maximiser cet impact. Nos conclusions seront disponibles gratuitement car nous n’avons réalisé cette enquête pour le compte de personne : elle est justement pour tout le monde ».
Les acteurs du sport que vous avez interrogé sont-ils confiants pour l’avenir du sport en France ?
W.H. : « En 3 mois, nous avons vu une centaine de personnes. Ils viennent de collectivités locales, d’entreprises du secteur, de fédérations sportives, de la politique etc. Globalement, ils sont confiants et trouvent que les choses évoluent dans le bon sens. Ils estiment aussi que les enjeux restent nombreux : la transition climatique et le financement, notamment, sont des sources d’inquiétude. Les Jeux ont mis un coup de projecteur ayant entrainé une meilleure prise en compte du sport dans les politiques publiques et un vrai impact sur le para-sport même s’il reste encore beaucoup de travail pour atteindre le niveau du secteur culturel ».
« Mécaniquement, il y a aussi plus de visibilité sur les problématiques, comme celles intervenues dans certaines institutions sportives. Cela pousse le sport à se réformer mais ne renvoie pas une belle image de notre secteur. Une vraie difficulté subsiste : la collaboration avec l’Education Nationale. Ou plutôt son absence. Il est en effet très difficile pour le mouvement sportif d’entrer dans les établissements scolaires. L’opposition EPS-Sport semble difficile à dépasser, même avec les programmes tels que Génération 2024 ou la Semaine Olympique et Paralympique. C’est un très gros regret pour tout le monde, et ce malgré les efforts réels déployés par Paris 2024 ou les ministres des Sports ».
Ces acteurs français du sport estiment-ils que tout est fait actuellement, c’est-à-dire avant les jeux, pour préparer l’après Paris 2024 ?
W.H. : « C’est ce que nous avons cherché à comprendre. Les acteurs attendent-ils tout des autres, notamment de Paris 2024 ou du ministère des Sports, ou se sont-ils pris en main ? La grande majorité a su utiliser les nombreux programmes de Paris 2024 comme “Terre de Jeux” ou le fonds Impact par exemple pour mettre en place des actions et profiter des Jeux. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour préparer l’après Paris 2024 et les acteurs en ont conscience. On l’a vu lundi lors de l’évènement organisé à l’INSEP : le sport français travaille sur Paris 2024 tout en l’enjambant en préparant la période post-Jeux ».
Quelles sont les principales mesures attendues par ces acteurs ?
W.H. : « De nombreuses questions restent en suspens et nécessitent des arbitrages. C’est le cas, par exemple, sur l’avenir des programmes de Paris 2024. Doivent-ils tous perdurer après les Jeux ? Et qui devrait les opérer ? Il y a aussi la question sur la pérennité de l’investissement des sponsors et sur la capacité des entreprises françaises à capitaliser sur les Jeux pour se développer à l’international. Quelle sera la stratégie de la France en matière de grands évènements sportifs internationaux ? Est-ce que le sport français saura séduire les annonceurs de Paris 2024, notamment ceux jusqu’ici éloignés du sponsoring sportif ? »
« Enfin, notre enquête a permis de faire ressortir une vraie préoccupation : selon les 25 fédérations rencontrées, la plupart des clubs sportifs ne serait pas en mesure d’accueillir plus de licenciés en 2024 ! Trois principales rasions sont évoquées : le manque de créneaux libres dans les enceintes sportives, la difficulté pour les dirigeants bénévoles d’assumer encore plus de responsabilités et le manque d’éducateurs. Cela mérite assurément d’être objectivé par un audit à la rentrée 2023 ».
« C’est un sujet majeur car l’augmentation de la pratique est une des ambitions affichées. Si les clubs ne peuvent pas accueillir de nouveaux licenciés, pourra-t-on encore parler d’héritage ? Ça serait, selon nous, une faillite collective du sport français au sens large. Pourtant, des solutions existent comme l’ouverture des gymnases des collèges ou lycées, les cours d’école. Il nous semble nécessaire et urgent de mettre tous les acteurs engagés autour de la table : collectivités, mouvement sportif, mais aussi l’Etat dont l’Education nationale, et le secteur marchand. Il n’est pas trop tard pour trouver des solutions pragmatiques de court terme. Les Jeux nous y obligent. Il faut travailler dès maintenant également sur les raisons structurelles ».
Propos recueillis par Bruno Fraioli
© SportBusiness.Club Juillet 2023
William Heude, Olbia Conseil