Paris-2024. Des salariés se plaignent d’un recours abusif au contrat en forfait jour

Organisations. Certains salariés de Paris 2024, soutenus par la CGT, accusent la direction du Comité d’organisation (Cojo) de recourir abusivement à des contrats en forfait jour sans respecter les plages de repos légales, parfois au détriment de leur santé, et sans compensation financière. « On a très vite compris que la volonté du Cojo, c’était de faire des économies sur le dos des salariés. Sur notre site c’était des semaines de 60 heures, sur d’autres sites, ça a été des semaines de 80 heures,» a déclaré à l’AFP Sophie (nom d’emprunt), qui travaille à l’Arena La Chapelle, dans le nord de Paris.

Un sentiment d’exploitation partagé par plusieurs de ses collègues. Chargés notamment de l’accréditation, de l’accueil et de l’accompagnement des délégations sportives, ils sont souvent payés près de 3 000 euros bruts, « mais en taux horaire, on est bien en-dessous du Smic » au sein d’une équipe où tout le monde est à Bac+5, relève Eugénie, qui parle plusieurs langues rares. « Le Cojo a choisi de limiter les embauches pour surexploiter des salariés souvent jeunes, parfois étudiants, alors que la question de l’accès à l’emploi est particulièrement prégnante en Seine-Saint-Denis,» dénonce jeudi 29 août 2024 la CGT 93 dans un communiqué.

Des accusations rejetées à la fois par la direction de Paris 2024 et la CFDT, seul syndicat représentatif dans l’entreprise et signataire d’un accord pour encadrer les dépassements horaires. Cet accord prévoit seulement neuf heures de repos entre deux journées de travail, alors que le droit du travail stipule 11 heures de repos au minimum pour les salariés en forfait jour, qui ne comptent pas leurs heures de travail. Il prévoit aussi de pouvoir travailler six jours sur sept.

« Il faut avoir en tête que cet avenant a été signé pour protéger les salariés,» alors qu’un décret dérogatoire au droit du travail avait été pris pour les Jeux olympiques et paralympiques par le gouvernement, permettant la suspension du repos hebdomadaire du 18 juillet au 14 août, défend une représentante du personnel CFDT contactée par l’AFP.

Le recours au forfait jour exige notamment que le salarié bénéficie d’une autonomie dans l’organisation de son travail, ce qui n’est en principe pas compatible avec des horaires contraints. « Mais l’autonomie dans la mission, une fois qu’on est sur place, reste pleine,» assure cette syndicaliste. « Le système du forfait jour est apparu comme le statut le plus pertinent pour correspondre à l’organisation de notre entreprise », il permet aussi une « autonomie aux collaborateurs dans le cadre de leurs missions,» affirme la direction de Paris 2024.

Le manque d’heures et de jours de repos provoque parfois de l’épuisement. « Un jour j’ai fini à 23h30 et j’ai repris le jour après à 4h30 du matin,» témoigne Brigitte, chargée des arrivées et des départs des délégations. « On faisait parfois des “shifts” de 11 ou 12 heures sans pause« , car « on a dû donner la priorité aux bénévoles » pour les pauses, selon elle. « Pendant les quelques semaines de pure livraison de notre événement, l’activité a pu être plus intense mais aussi plus cadrée,» reconnaît la direction.

« A chaque fois qu’une problématique nous a été remontée, nous l’avons adressée dans des délais très courts et de façon satisfaisante avec la direction de Paris 2024,» selon la représentante CFDT qui assure qu’aucune plainte concernant l’utilisation du forfait jour ne lui est parvenue. La CGT demande aujourd’hui “l’ouverture de négociations pour obtenir une requalification des contrats pour une véritable prise en compte de toutes les heures de travail” et menace d’entamer des procédures judiciaires.

« Il aurait fallu prendre des gens aux 35 heures, organiser des 3×8 au besoin, ou payer des heures supplémentaires. Là, c’est juste une façon de réduire le budget alloué aux embauches et au paiement, éventuellement, d’heures supplémentaires,» estime Kamel Brahmi, secrétaire général de l’Union départementale du syndicat pour la Seine-Saint-Denis. (Avec AFP)

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