Paris 2024 et l’indispensable préfet Cadot

Il œuvre dans l’ombre des Jeux olympiques de Paris 2024. A 69 ans, le préfet Michel Cadot promène ses manières de “lord anglais” et son “sens de l’Etat” de réunions en comités de pilotage pour accorder organisateurs, grands flics, et élus de tout poil. Inconnu du grand public, d’autant plus qu’a été nommée au gouvernement en mai 2022 une ministre préposée aux Jeux olympiques et paralympiques, cet ancien préfet de police de Paris ne ménage ni ses heures ni son carnet d’adresses pour dénouer des situations parfois bloquées.

Si tout le monde rame officiellement vers la même ligne d’arrivée, l’affaire olympique mêle bien des intérêts, parfois contradictoires. Cela finit de temps en temps par ressembler à un sac de noeuds. « Capacité de travail, modestie légendaire et acuité intellectuelle, » résume un membre du comité d’organisation des Jeux qui le côtoie pour décrire celui qui est officiellement “délégué interministériel aux JO”.

Au prononcé de son nom ne sortent que louanges sur son “sens de l’Etat” et le fait qu’il soit “indispensable”. Michel Cadot a succédé en août 2020 à Jean Castex lorsque quand ce dernier a été propulsé Premier ministre. Aujourd’hui, il pilote une équipe d’une quinzaine de personnes dans l’hôtel Cassini jouxtant Matignon.

Un Préfet discret

Depuis, plus personne n’imagine se passer de lui, si bien que la loi olympique, tout juste promulguée, a introduit une dérogation spéciale à la limite d’âge cela pour lui donner la possibilité travailler jusqu’à la fin des Jeux. « Michel Cadot est connu de beaucoup d’entre nous. C’est un grand serviteur de l’État, » a ainsi plaidé l’ex-ministre des Sports et sénateur PS Patrick Kanner, comme une ode à une espèce en voie de disparition. Cette unanimité contraste avec le bruit et la fureur de l’hémicycle, quels fois.

De toutes les réunions, le préfet s’efface devant les ministres pour la photo. Un soir de septembre 2021, c’est réception à l’Elysée. Lorsque Michel Cadot arrive dans la cour, personne ne prête attention à sa longue silhouette qui foule les gravillons, un sac à dos pendant à l’épaule, alors que les journalistes se ruent sur les médaillés olympiques de Tokyo.

Lui, connaît par cœur les arcanes de l’Etat. Après le Cantal, la Meuse, la Martinique, la Bretagne, les Bouches-du-Rhône, entre autres, comme préfet. Il est ainsi passé des algues vertes aux règlements de comptes marseillais. Ses passages dans les cabinets ministériels (Barnier, Alliot-Marie, de Villepin, Bussereau) le classent plutôt à droite. Surtout ce cv ne lui fait rien ignorer des vanités des politiques, lui qui a fait l’Ena avec François Hollande.

Une “autorité naturelle”

« C’est quand même lui qui nous a permis de refaire la fête après les attentats, » répond une proche de la maire PS de Paris Anne Hidalgo. Préfet de police en 2015, il quittera ce poste en 2017, après un accident de vélo, pour rejoindre la préfecture de la région Ile-de-France. Là il verra plusieurs services de l’Etat, notamment la Culture et le Travail, s’empoigner sur les cendres de Notre-Dame de Paris pour la reconstruction.

Alors qui de mieux pour négocier avec un préfet, un ministre, un responsable policier, ou des élus ? Même s’il débarque dans l’olympisme, comme il le dit lui-même. De fait, il a « un rôle régulateur assez puissant, » explique une proche d’Anne Hidalgo. « Une autorité naturelle » exprimée « avec la distinction et l’esprit d’un lord anglais, » écrit l’ex-conseiller aux Jeux olympiques de la région Ile-de-France, Vincent Roger, dans son livre sur les Jeux. « Son rôle doit être salué et conforté, car ça n’est facile de se trouver au milieu de tout cela, » a appuyé il y a quelques semaines, l’ex-ministre PS Pierre Moscovici et actuel président de la Cour des comptes.

Après le fiasco de la finale du Stade de France, Michel Cadot, aussi responsable des grands événements sportifs, ne s’est pas défaussé: « J’ai ma part de responsabilité dans cette échec, » a-t-il reconnu quand d’autres se sont moins laissés aller à l’auto-critique. A la barre de la “Dijop” (Direction interministérielle aux Jeux olympiques et paralympiques), il aime rappeler aussi qu’il s’emploie à ce que l’Etat puisse tenir un minimum la promesse de laisser un “héritage”, pour que l’effet des Jeux dure plus qu’un été.

Par Par Déborah Claude – Agence France-Presse

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