Interview. Déçu et frustré, le Président de la Fédération Française de Golf (FF Golf), Pascal Grizot, affirme ne rien attendre de particulier des Jeux olympiques de Paris 2024. Les épreuves se dérouleront sur le parcours du Golf National, à Saint-Quentin-en-Yvelines (Yvelines), où se conclut le Cazoo Open de France ce dimanche 24 septembre 2023. Le patron du golf français estime que sa discipline n’a pas été bien traitée par le Comité d’organisation : il attendait notamment une jauge de spectateurs beaucoup plus importante.
Par ailleurs, Pascal Grizot indique qu’un nouveau partenaire-titre de l’Open est en passe d’être signé. Il viendrait prendre la suite de Cazoo, qui, en difficulté, ne renouvelle pas son contrat. Le Président de la FF Golf est aussi optimiste pour l’avenir avec des jeunes qui pourraient bientôt percer au niveau international. Enfin, il croit beaucoup en Céline Boutier, actuelle numéro 5 mondiale pour une chance de… médaille olympique à Paris 2024 !
Comment se déroule l’organisation de l’Open de France 2023 ?
Pascal Grizot : « Nous sommes contents, d’autant plus parce que nous sommes passés par des périodes difficiles, avec des partenaires qui avaient quitté l’Open de France. Grâce au dynamisme de l’European Tour nous avons aujourd’hui un tournoi qui se situe dans les meilleurs du circuit européen. En étant aux alentours des 3 millions de dollars [NDR : 3,250 millions de dollars US de primes], nous sommes dans la moyenne des bons tournois du DP World. Tour ».
Justement, en parlant de partenaire, le contrat de Cazoo, namer de l’Open de France, s’arrête cette année. Avez-vous trouvé un successeur ?
P.G. : « C’est l’Européen Tour en tant que promoteur qui a la responsabilité de trouver des partenaires. Je peux vous confier qu’une bonne nouvelle sera annoncée rapidement. Je ne peux pas en dire plus car le contrat n’est pas encore signé. Cela me rassure, d’autant que, si cela se réalise avec cette entreprise ce sera un excellent message qui pourra être envoyé à tout le monde. C’est un partenaire, déjà très présent dans le golf, qui pourrait s’impliquer dans la durée ».
Les Jeux de Paris 2024 sont dans 10 mois. Où en êtes-vous pour les infrastructures ?
P.G. : « Beaucoup d’investissements ont déjà été réalisés au Golf National pour l’accueil de la Ryder Cup [NDR : en 2018]. A l’époque, nous savions déjà que ce parcours avait été choisi pour recevoir les Jeux Olympiques Ainsi, par exemple, après les deux jours de pluie que l’on a subi lors les deux premiers jour de l’Open de France, tout le monde a constaté que le drainage fonctionnait bien. C’est la même chose pour l’irrigation. Aujourd’hui, l’arrosage des golfs est souvent critiquée. Ici, avec les investissements réalisés, la consommation d’eau est 40% inférieure à celle de 2018. C’est grâce au drainage et aux systèmes d’arrosage où les progrès ont été importants ».
Et pour le parcours ? Sera-t-il modifié pour les Jeux ?
P.G. : « Il y aura seulement quelques aménagements, notamment avec l’ajout de nouveaux départs pour l’épreuve féminine. Ce seraient les seuls investissements à faire au Golf National ».
Etes-vous optimiste pour des médailles françaises en golf aux Jeux ?
P.G. : « Nous avons la chance d’avoir Céline Boutier qui, aujourd’hui, est incontestablement la porte-drapeau du golf français. Pour elle, ainsi que pour la seconde française car on sait déjà que nous aurons deux représentantes aux Jeux, jouer sur le parcours du Golf National sera un grand avantage par rapport à leurs concurrentes. Plus que pour les hommes où les meilleurs mondiaux et européens ont déjà eu l’occasion de venir ici, pour la Ryder. Cup ou l’Open de France. Mais ce n’est pas le cas pour les filles. Il n’y a jamais eu ici une très grande épreuve internationale professionnelle féminine. De plus, Céline Boutier a fait toute sa “scolarité” ici au Golf National : elle connait bien le parcours. Ce sera un gros avantage ».
C’est du “home advantage” ?
P.G. : « Oui. Le fait elle connaisse très très bien le parcours sera un véritable avantage par rapport aux autres. Au tennis, quand on joue à Roland-Garros, il y a les supporters français, mais on est sur la même terre battue que sur un autre court partout ailleurs. Ici, non seulement on aura aussi les supporters français mais nos représentants auront en plus l’avantage du terrain parce qu’ils seront les seuls à le connaitre parfaitement ».
Qu’attendez-vous, en tant que président de la fédération française de golf, des Jeux olympiques ?
P.G. : « Je dois le dire que j’ai une grosse frustration. Cette compétition olympique aurait pu être traitée avec beaucoup plus d’ambition. Ainsi, par exemple, la jauge quotidienne a été limitée à 25 000 spectateurs. Lors de la Ryder Cup, nous avions volontairement limité la capacité à 55 000 pour des raisons de sécurité. Mais nous aurions parfaitement pu accueillir 70 000 spectateurs. Vouloir accueillir uniquement 25 000 spectateurs sans que la Fédération n’ait été impliquée d’une quelconque façon, notamment pour la billetterie, je trouve cela dommage. Alors oui, il y aura des spectateurs étrangers qui viendront, mais je ne sais pas si les Français seront aussi intéressés que cela pour suivre la compétition de golf des Jeux olympiques. Alors qu’il y aura certainement le meilleur champ de joueurs mondiaux que l’on puisse avoir après la Ryder Cup pour les hommes ou l’Évian Masters pour les femmes. J’estime que cette compétition n’a pas été traitée à sa vraie hauteur. Mais ça, c’est la responsabilité du Comité d’organisation. Pourquoi limiter à 25 000 spectateurs ? Peut-être parce que pour les Jeux olympiques, le golf n’est qu’une épreuve parmi beaucoup d’autres. Je regrette, par exemple, qu’en athlétisme les Jeux olympiques soient traitées comme l’épreuve phare de la discipline. Plus que les championnats du monde. Au golf, nous n’avons pas droit à ce traitement là. C’est uniquement à cause de la stratégie choisie par le Cojo [NDR : Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques] ».
Mais, n’est-ce pas aux instances d’internationales du golf d’améliorer la place de la discipline au sein du monde olympique ?
P.G. : « Aujourd’hui, c’est le Cojo, et lui seul, qui fixe la stratégie et les moyens donnés pour la compétition. Nous, nous avons simplement loué notre parcours. Ensuite, nous n’avons plus rien à voir dans l’organisation. Maintenant, c’est un consortium que nous avons conjointement créé entre la Fédération Française de Golf et la fédération internationale qui va gérer l’organisation sportive de la compétition. Pour l’accueil des spectateurs, par exemple, le cahier des charges était tellement compliqué que personne n’a répondu. Du coup, c’est le COJO qui s’en occupera directement ».
Attendez-vous un héritage de Paris 2024
P.G. : « Non. Et je l’ai dit à Tony Estanguet [NDR : Président de Paris 2024]. C’est une grosse déception surtout quand on a la chance d’avoir un tel plateau ».
Comment se porte la Fédération Française de Golf ?
P.G. : « Nous sommes satisfaits. Notamment, parce nous venons de réaliser trois années consécutives d’augmentation de licences. Ce n’était pas arrivé depuis le milieu des années 90. C’est quelque chose de de bien dans un environnement qui reste encore compliqué et où le modèle économique d’une fédération sportive dépend du nombre de licences ».
Et côté sportif ?
P.G. : « Sur ce point, mon objectif a toujours été de placer des Français dans les 20 meilleurs joueurs du monde. Chez les garçons, c’est vrai, on a du retard. Mais chez les filles, cet objectif a été atteint avec Céline Boutier (NDR : n°5 au 18 septembre 2023). Il n’y a aucune volonté de récupération avec Céline, mais elle a été formée dans les instances de la fédération et nos centres de performance. Nous sommes donc très heureux qu’elle atteigne ce niveau là. Cela nous permet d’atteindre au moins la moitié de nos objectifs. Pour les jeunes, nous avons mis en place un suivi de performances grâce à un outil d’analyse de data des athlètes. Celui-ci permet de situer leur niveau en fonction de leur âge et de leur classement mondial chez les amateurs. Il permet une comparaison avec les joueurs qui aujourd’hui sont dans le Top 20 mondial. Ces données nous permettent de déterminer ce qu’on appelle les “couloirs de la performance”. On regarde si nos jeunes sont dans les temps de passage des meilleurs mondiaux. Aujourd’hui, nous avons cinq garçons et sept filles correspondant à ces critères. D’ailleurs, ici, à l’Open de France, c’est un jeune espoir de 15 ans qui était le premier Français au premier jour ! (NDR : Hugo Le Goff). Chez les garçons, les choses sont en train de bouger. Comme chez les filles. Du coup, nous sommes raisonnablement optimistes ».
Quel sont les autres chantiers importants ?
P.G. : « Celui de la ligne 18 ! [NDR : métro du Grand Paris]. Celui-ci va quand même beaucoup nous perturber parce que cette ligne va traverser le Golf National. Pendant deux ans cela va être compliqué ici. L’Open de France se jouera encore au Golf National l’année prochaine [NDR : en octobre 2024], mais ce ne sera pas le cas en 2025. On a quelques pistes pour cette édition que l’on doit justement travailler avec notre nouveau partenaire. Concernant les travaux, une grosse tranchée sera creusée au milieu du Golf National, au niveau du practice et le long du trou n°4. Cela va nous obliger à reconstruire et remodifier d’autres trous sur le parcours. Mais nous aurons ensuite une gare juste à côté et donc, en terme d’accessibilité, ce sera fantastique ».
Entretien : Bruno Fraioli, au Golf National
© SportBusiness.Club Septembre 2023