Privé de télé, le basket français devient un cas d’école

Une médaille d’argent aux Jeux olympiques de Tokyo l’été dernier, deux clubs jouant des coudes avec les meilleurs en Euroligue et… aucun diffuseur. Le paradoxe du basket masculin en France constitue le dernier épisode de la crise des droits sportifs. En l’absence de successeurs aux contrats liant la Ligue nationale de basket (LNB) à La Chaîne L’Equipe et à celui unissant l’Euroligue à RMC Sport, voilà le basket français toujours privé de diffuseur national traditionnel un mois après sa reprise.

De quoi étonner après l’été olympique de l’équipe de France masculine. Après la constitution de deux armadas par les clubs de Monaco et Villeurbanne aussi. D’autant que la discipline attire de plus en plus le public français: l’intérêt pour le basket en France a augmenté de 53% de 2012 à 2021, selon une étude commandée par l’Euroligue au cabinet Nielsen. “En particulier chez les jeunes générations. C’est une très bonne nouvelle, très peu de sports peuvent en dire autant”, relève Alex Ferrer, directeur du marketing et de la communication de la ligue privée européenne. Le président du Paris Basketball, David Kahn, ancien dirigeant des Minnesota Timberwolves en NBA, prédit même au basket de “devenir bientôt le sport collectif numéro 2 en France”, derrière le football.

La fin de l’ère du câble

Alors pourquoi la balle orange subit-elle un écran noir ? “Je ne sais pas si quelqu’un a l’explication à cette déconnexion”, poursuit David Kahn, dont le club parisien vient d’accéder à la Betclic Elite. “Mais la Ligue a fait un mauvais travail de préparation il y a trois ou quatre ans. Cette négligence a conduit à la situation aujourd’hui.” A l’échéance de son juteux contrat avec le groupe Altice (RMC Sport), de 10 millions d’euros annuels entre 2015 et 2020, la LNB a rebondi au dernier moment avec La Chaîne L’Equipe l’an passé, annonçant, moins de deux semaines avant la reprise, la diffusion d’un à deux matches par semaine sur la chaîne en clair du groupe Amaury.

“La crise couvait déjà”, estime Pierre Maes, consultant dans les droits sportifs. “L’Equipe ne payait pas de droits mais uniquement la production.” Quant à Altice, qui réduit depuis des années la voilure de sa chaîne à péage RMC Sport, elle n’a pas renouvelé le contrat avec l’Euroligue, estimé par le quotidien L’Equipe à 3 millions d’euros par saison. “C’est la fin de l’ère du câble, avec un changement de consommation”, analyse Arnaud Simon, ancien directeur général d’Eurosport et désormais consultant. “Les chaînes du câble ont fait l’âge d’or de la diffusion sportive. Elles achetaient un droit premium comme vitrine et remplissaient leur grille avec d’autres sports.”

Dans ce climat de fin de la télévision linéaire, “les chaînes ne se font plus la même concurrence qu’avant”, explique le directeur général de la LNB Michel Mimran. Le dirigeant relève d’ailleurs les difficultés de l’équipe de France de football à trouver un diffuseur au tarif actuel pour la période 2022-2028, selon un article de L’Equipe. “L’information a quelque chose de très étonnant mais elle est révélatrice de la relation qu’ont les ayants droit avec les chaînes”, estime-t-il.

Des solutions arrivent

“Cette industrie a connu cette croissance exponentielle grâce aux nouveaux entrants, analyse Pierre Maes. Or les nouveaux acteurs, notamment les Gafa, n’arrivent pas et les anciens s’en vont.” En attendant, sans contrat avec un diffuseur, difficile pour le basket de rebondir. “C’est le paradoxe de l’œuf ou de la poule, juge l’expert. Pour produire des matches, il faut des revenus (et donc des abonnés) et pour recruter des abonnés, il faut avoir des matches bien produits.”

“On est en train de trouver des solutions pour doter un certain nombre de rencontres d’une production de qualité télé, indique Michel Mimran. Cela demande des partenaires, une évolution budgétaire.” Selon Arnaud Simon, l’avenir à terme pour les détenteurs de droits non premium est de “développer une offre numérique qui sera ensuite agrégée dans un supermarché plus puissant”, du type Apple TV, Amazon Prime ou Netflix. “C’est ce qu’il se passe avec les plate-formes de streaming dans la musique.” (AFP)

Par Clément Varanges

(c) SportBusiness.Club Novembre 2021