Quel avenir olympique pour la boxe ?

Sport olympique sans discontinuer depuis l’Antiquité, la boxe pourrait disparaître des Jeux. La gestion rocambolesque de sa fédération internationale (IBA) le fait désormais craindre, au risque de pénaliser les pratiquants de cette discipline très populaire. “Extrêmement inquiet” le Comité international olympique (CIO) vient en effet de passer un cap dans l’exaspération. L’instance sportive a mis discipline sportive à l’agenda de sa prochaine commission exécutive, du 5 au 7 décembre.

Depuis plus de trois ans déjà, le CIO a suspendu l’IBA (à l’époque Fédération internationale de boxe amateur AIBA). Cette décision a privé la fédération, en mai 2019, de l’organisation des épreuves de boxe des Jeux olympiques de Tokyo. Conséquences : pas de recettes financière pour l’instance sportive. En juin 2022, cette décision a été reconduite pour les Jeux olympiques de Paris, en 2024.

“On se ridiculise”

Discréditée par des scandales d’arbitrage à répétition, la fédération internationale a une dette abyssale et un ex-dirigeant est considéré par les Etats-Unis comme “l’un des leaders du crime organisé” ouzbek. L’instance a pourtant clamé sa volonté de réformes en se dotant en décembre 2020 d’un nouveau président, le Russe Umar Kremlev. Mais si cet entrepreneur de 39 ans, qui a dirigé une société de sécurité privée et appartenu à un groupe de motards pro-Kremlin, a confié une enquête indépendante sur l’arbitrage au juriste canadien Richard McLaren, ni ses liens financiers avec Gazprom ni sa gouvernance ne rassurent le CIO.

En mai dernier, le Russe avait été reconduit à la présidence de l’IBA sans opposition: son adversaire, le Néerlandais Boris Van der Vorst, avait été écarté de l’élection pour des motifs balayés un mois plus tard par le Tribunal arbitral du sport, laissant ainsi augurer une nouvelle élection. Or l’IBA persiste à s’en dispenser: réunis fin septembre 2022 à Erevan (Arménie), ses délégués se sont prononcés contre la tenue d’un nouveau scrutin, dans “des circonstances chaotiques”… intégrant une coupure d’électricité en plein vote, avait noté le CIO.

« Pendant le congrès j’ai pris la parole pour dire qu’on se ridiculisait à la face du monde, » a raconté à l’AFP Dominique Nato, président de la Fédération française de boxe. Ce dernier déplore un “énorme gâchis” et “l’image déplorable vis-à-vis du CIO”. Par ailleurs, alors que la guerre en Ukraine a déjà valu au sport russe une cascade de sanctions et fragilise considérablement les sportifs ukrainiens, l’IBA a suspendu dimanche la fédération de boxe ukrainienne en invoquant une “ingérence politique” derrière son changement de président.

Vers une autre FI ?

« Après ces développements perturbants, la commission exécutive du CIO va devoir entièrement réviser la situation lors de sa prochaine réunion, » explique son porte-parole, laissant planer la menace d’une éjection pure et simple du programme olympique. L’instance de Lausanne semble au bout de ses moyens de pression. Elle a retiré fin 2021 la boxe du programme initial des Jeux de Los Angeles 2028, tout comme l’haltérophilie et le pentathlon moderne, mais se laisse toutefois la possibilité de la réintroduire en 2023 si l’IBA s’amende.

« Je suis dépité quand je vois le risque qu’ils font prendre à notre sport, » déplore Dominique Nato, pour qui « les JO font partie de l’attractivité » de la boxe. « Depuis 2017-2018, le CIO prévient “Attention, on va vous gifler”… Jusqu’au jour où on va la prendre, la baffe ». Mais pour Jean-Loup Chappelet, spécialiste de l’olympisme à l’Université de Lausanne, la boxe est si populaire et universelle, du pancrace antique aux salles américaines en passant par le Moyen-Orient, l’Asie et l’ex-URSS, “que le CIO fera tout pour la garder”.

L’instance a « probablement fait son deuil de l’IBA, » estime l’universitaire, mais peut encore organiser une tutelle indirecte de la boxe en attendant « de reconnaître une autre fédération internationale » à laquelle se rallieraient les fédérations nationales attachées au rêve olympique, ce qui est « sûrement en train d’être étudié ». Le CIO, qui ne reconnaît pas des sports mais des fédérations internationales chargées d’organiser les compétitions, est d’ailleurs familier de ce type de manœuvres, rappelle le spécialiste: il avait “suscité” des organisations semblables quand l’escalade et le skateboard étaient entrés aux Jeux. (Avec AFP)

© SportBusiness.Club Octobre 2022