Splendeurs et misères de Bernard Tapie à l’Olympique de Marseille

Le Boss est parti. Bernard Tapie est mort ce dimanche 3 octobre à 78 ans d’un cancer. Sa famille a annoncé le décès de l’homme d’affaires dans un communiqué adressé au journal La Provence, le quotidien marseillais qu’il contrôlait. C’est d’ailleurs à Marseille qu’il sera inhumé, cette ville où ce touche-à-tout [il a été chanteur, animateur télé, homme politique, député, ministre…) a connu ses plus importants faits d’armes dans le sport. Le 26 mai 1993 reste gravé dans la mémoire collective du sport français : ce soir là, à Munich (Allemagne), l’Olympique de Marseille, dont il était le Président, bat l’AC Milan en finale de la Ligue des Champions et soulève ce qui est à ce jour l’unique “Coupe aux grandes oreilles” de l’histoire du football tricolore.

« On ne touche pas à Bernard Tapie, grâce à lui je suis champion d’Europe, je le vénère, » clamait René Malleville, icône du football marseillais disparu récemment. LE titre suprême, la Ligue des champions 1993, a propulsé l’équipe phocéenne au sommet du football européen, et elle l’a bien rendu à Bernard Tapie. Toutefois, dans le football, l’ère Tapie c’est aussi l’affaire de corruption VA-OM (Valenciennes-Olympique de Marseille), la chute en 2e division du club, la faillite, un retour raté en 2001, comme un vieil acteur fatigué qui n’aurait plus la force de rejouer Cyrano de Bergerac…

Mais Bernard Tapie a aussi fait vibrer cette ville qui tremble de plaisir ou souffre pour son équipe de football. A l’époque, Marseille ne sait d’abord pas trop quoi penser de ce jeune homme d’affaires parisien, quand il reprend en 1986 un OM qui stagnait, sauvé quelques années plus tôt de la faillite et de la 3e division par une bande de gamins du centre de formation, surnommés les “Minots”. Fonceur, instinctif, fort en gueule, roublard, Bernard Tapie a réussi des coups magnifiques et connu des flops. Il a fait venir le futur champion du monde allemand Karl-Heinz Forster, mais la greffe Franz Beckenbauer n’a pas pris à Marseille, sur les bords de la Méditerranée.

Condamnation, relégation…

C’est lui qui cru le premier en Jean-Pierre Papin, devenu ensuite acronyme (“JPP”) et adjectif (“Papinade”). L’homme d’affaires eu également l’intuition du clown génial Chris Waddle, le joueur anglais qui a notamment lancé la mode des nuques longues dans tout Marseille. Mais Bernard Tapie a raté aussi raté, de peu, Diego Maradona, sur le point de venir à l’OM. L’ancien président du club avait même raconté au Monde qu’il avait fait croire à Monaco qu’Abedi Pelé était séropositif pour doubler le club monégasque sur le transfert de la future star africaine, passeur décisif pour Basile Boli lors de la finale de 1993.

Bernard Tapie s’est fâché avec beaucoup d’entraîneurs, écartés sans ménagements, notamment Raymond Goethals, qui reviendra lui offrir l’apothéose de Munich, et a toujours été soupçonné de pratiques douteuses, jusqu’au scandale de Valenciennes qui précipitera sa fin. L’acteur-repreneur-ministre de la Ville a aussi remporté trois titres de champion de France [celui de 1993 a été invalidé] et une Coupe de France; Mais il dans le même temps condamné son club à la relégation en 2e division et l’a précipité vers la faillite.

En 1994, déjà privé de coupes d’Europe par l’UEFA, et des revenus qu’elles procurent, l’OM perd la manne des droits télés de la première division. Le club remporte le championnat de deuxième division en 1995 mais, toujours en dépôt de bilan, est interdit de monter par la DNCG (direction nationale de contrôle et de gestion). Bernard Tapie juge que le club est sanctionné pour le toucher lui. « Tant que je resterai président de l’OM, toutes les décisions relatives au club seront défavorables, affirme-t-il à l’époque. Je dois donc partir ».

A jamais les premiers

Le patron reviendra à Marseille, mais son retour à la tête de l’OM en 2001 comme “actionnaire associé”, rappelé par le propriétaire Robert Louis-Dreyfus du moment, n’apportera rien à sa gloire, au contraire. Appelé en catastrophe en fin de saison 2000/2001 alors que le club phocéen est relégable et que le stade Vélodrome scande son nom, Bernard Tapie participe certes au sauvetage. L’OM se maintient in extremis, 15e dans un championnat à 18. Mais lui, a perdu le “mojo”. Ses sorties tapageuses font “pschitt”. C’est le cas quand il promet l’arrivée de l’intarissable buteur brésilien du FC Porto, Mario Jardel. Ce dernier ne viendra jamais. La saison suivante est triste (9e), loin du livre d’or des années 1990.

Le lustre de ses adversaires a bien changé. Au lieu de se bagarrer avec le Milan d’Arrigo Sacchi, Bernard Tapie bataille contre le directeur financier à moustaches de l’OM, Pierre Dubiton. Il n’a plus l’oreille des joueurs et jette l’éponge. Ensuite, l’homme d’affaires intervient de temps en temps dans les médias pour donner son avis sur l’OM et ses présidents. Il éreinte ainsi Christophe Bouchet, qui a beaucoup enquêté sur lui quand il était journaliste, il égratigne Vincent Labrune [désormais président de la Ligue de football professionnel], et s’offre de temps en temps une pleine page d’interview dans sa Provence, qu’il possède, pour dispenser quelques conseils.

Bernard Tapie a beaucoup parlé, s’est beaucoup contredit, mais il est une promesse qu’il aura tenue, la seule qui compte pour les supporters marseillais: il aura ramené la Coupe d’Europe sur la Canebière. A jamais le premier.

© Avec Agence France-Presse (Par Emmanuel Barranguet) Octobre 2021

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