Cet été 2024, durant les Jeux olympiques de Paris, si une dirigeante du sport mondial sera particulièrement sollicitée, c’est bien la Doctoresse Valérie Fourneyron. Présidente de l’Agence de Contrôles Internationale (ITA1), l’ancienne Ministre des Sports sous la présidence de François Hollande, occupera durant la quinzaine olympique un poste clé dans la lutte antidopage. Elle explique son rôle dans cette interview exclusive accordée au journaliste François Artigas et publiée par SportBusiness.Club.
Quelles sont vos relations avec l’Agence Mondiale Antidopage ?
Valérie Fourneyron : « L’Agence Mondiale Antidopage (AMA) créée en 1999 par les gouvernements des cinq continents et le mouvement sportif à la suite de “l’affaire Festina” est le régulateur international. Elle dresse le code mondial, la liste des substances interdites. Elle dicte donc les règles pour les sportifs, les fédérations sportives, les pays, les laboratoires. L’Agence de Contrôles Internationale (ITA) que je préside est totalement indépendante et c’est heureux. Fondation à but non lucratif, nous délivrons les programmes antidopage en conformité avec ce Code mondial, pour les organisateurs d’évènements internationaux comme le Comité International Olympique pour les J.O. et pour les fédérations internationales ».
Quel est le rôle de votre autorité de contrôle ?
V.F. : « L’ITA a été créée en 2018 après le scandale des Jeux de Sotchi [en Russie] par la volonté du mouvement sportif avec le soutien de l’AMA. L’objectif était très clair: sortir du conflit d’intérêt réel ou perçu entre l’organisateur de l’évènement ou de la discipline et son programme antidopage. Le second objectif était de mutualiser des coûts et des expertises. La lutte antidopage est de plus en plus complexe et donc de plus en plus coûteuse. Pour chaque athlète, chaque discipline, chaque pays, chaque période de l’année…nous commençons par évaluer les risques de dopage puis nous arrêtons un plan de tests individualisé ».
Combien de temps sont conservés les échantillons que vous prélevez ?
V.F. : « Pendant dix ans, ce qui est particulièrement dissuasif. En clair, un sportif qui aurait été négatif en 2024 par exemple pourra être déclaré positif dix ans plus tard compte tenu de nouvelles substances que nous pourrions détectées. C’est ce qui s’est passé avec les Jeux de Londres. En 2022, nous avons réexaminé les échantillons prélevés lors de cette édition et nos laboratoires qui disposaient de nouvelles techniques d’analyses ont trouvé 71 cas positifs ce qui a conduit le CIO à redistribuer plus de trente médailles ».
Jusqu’où peuvent aller vos investigations ?
V.F. : « Si je voulais être caricaturale, je dirais que l’antidopage “à la Papa” c’est fini. On a commencé avec le contrôle pipi (sic), puis on a ajouté le contrôle sanguin, puis on a ajouté le passeport biologique sur la saison et aujourd’hui on ajoute des investigations, des enquêtes en collaboration avec des services de sécurité, l’OCLAEPS2 en France, des douanes, Europol, Interpol… Les manipulations, les échanges d’échantillons, tout devient beaucoup plus difficile pour les tricheurs. C’est un autre univers ».
Qui inflige les sanctions ?
V.F. : « Avant tout, les sanctions doivent être conformes à celles définies par le Code mondial en fonction des substances ou méthodes interdites. L’ITA gère les sanctions si la fédération internationale ou l’organisateur de l’évènement international nous a délégué son programme antidopage. Mais ce peut-être aussi la commission disciplinaire indépendante de la fédération. Dans tous les cas, l’AMA qui est destinataire des cas positifs peut faire appel de la décision auprès du TAS3 si elle ne respecte pas le Code, tout comme l’athlète peut faire appel de sa sanction. Pour les substances mineures, bien souvent le sportif accepte sa sanction ».
Interview : François Artigas
© SportBusiness.Club Juillet 2024
(1) ITA : International Testing Agency. (2) OCLAEPS : Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique. (3) TAS : Tribunal Arbitral du Sport.