Le titre du documentaire d’Eric Bellion, qui sort en salle le 13 février, est trompeur. Comme un seul homme retrace le Vendée Globe du skipper. Une course autour du monde en solitaire et sans assistance en moins de 100 jours sur son monocoque : Comme un seul homme. Toutefois, il s’agit plutôt de l’histoire d’un couple, celle d’un navigateur avec son bateau. (Voir l’interview d’Eric Bellion).
Bizut sur l’épreuve mythique de la course au large, Eric Bellion a terminé neuvième du Vendée Globe 2016-2017, vingt-cinq jours derrière le vainqueur, Armel Le Cleac’h. Durant ses trois mois et plus en mer il s’est filmé, passant de cap en cap. Le documentaire débute alors qu’il vient de s’élancer. Il est encore serein, heureux et rasé de près.
Puis arrivent la fatigue, l’épuisement, les galères techniques et les mers du sud. Nous sommes alors immergés dans le quotidien du navigateur solitaire en proie au doute et inquiet sur sa capacité physique et mentale à boucler cette redoutable course. L’amplitude de ses sauts d’humeur est aussi importante que les déferlantes des quarantièmes rugissants. Le bruit est omniprésent : celui des vagues venant frapper inlassablement la coque du bateau, nuit et jour.
«J’ai décidé à ne pas avoir peur», se persuade Eric Bellion face à la caméra. Peu à peu, au fil des franchissements d’obstacles le skipper reprend confiance et parle à son bateau. Il lui déclare sa flamme : «Je suis amoureux de toi, déclare-t-il face à la caméra. Tu est gracieux. Qu’est-ce que t’es beau… Tu ne m’as jamais laissé tomber.» Des mots d’amour presque chuchotés alors qu’il franchit la ligne d’arrivée. C’est le moment de la séparation, et la fin de cette histoire d’amour.
Comme un seul homme, durée 1h22. Sortie mercredi 13 février 2019.
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3 questions à Eric Bellion
Finalement, ce documentaire n’est-il pas une histoire d’amour ?
Eric Bellion : «J’ai une relation très spéciale avec mon bateau. Je suis persuadé que l’on a fait le Vendée Globe à deux et que c’est lui qui m’a choisi, et non l’inverse. Au début, je suis impressionné par ce bateau avec ses 18 mètres en carbone et son mat de trente mètres de haut. Et puis, au fur et à mesure, ça devient mon ami. Il est celui qui parle aux éléments. Oui, c’est vrai, c’est une histoire d’amitié. Ou d’amour.»
Quel message voulez-vous faire passer avec ce film ?
E.B.: «Je voudrais dire que c’est en faisant des choses différentes avec des gens différents que réside la création, la réussite et le bonheur. La peur est normale, mais il faut aller au-delà. Et quand, c’est le cas, on trouve un bonheur que l’on ne peut pas imaginer. A une époque où les gens se recroquevillent et où des tas de personnes servent une contamination en affirmant que c’est dans le passé que réside le bonheur, je tente au contraire de montrer que c’est absolument l’inverse. Le fait de s’ouvrir à la différence, d’aller faire quelque chose que l’on a jamais fait : c’est là que réside le bonheur.»
Le rôle d’un skipper aujourd’hui n’est-il pas aussi de raconter des histoires ?
E.B. : «Oui, je le pense, surtout sur une course comme le Vendée Globe qui dure trois mois et durant lesquels le public a les yeux et les oreilles ouverts. C’est un moment rare dans une monde qui va vers la vitesse, les interviews flashs où les films ne doivent pas faire plus d’une minute ! Là on a trois mois pour raconter quelque chose. C’est un feuilleton fabuleux. Voilà un tuyau extraordinaire pour communiquer quelque chose qui n’est pas forcément simple, la différence, et à un moment particulier où l’on peut emmener les gens en se servant de la sincérité et l’émotion pour les faire changer et évoluer. On dit souvent que l’on a 21 jours pour faire changer les habitudes. Là c’est génial : on a trois mois.»
L’interview complète d’Eric Bellion :
L’Imoca 1000, une bête de cinéma
Le monocoque de 60 pieds (18,3 mètres) Comme un seul homme est un Class Imoca, le bateau de référence pour la course au large. C’est un vétéran du Vendée Globle. Mis à l’eau en 2006, il a tout d’abord été barré par Marc Thiercelin qui a disputé trois courses autour du monde avec. Il naviguait alors sous le nom de DCNS et avait pris le numéro 1000. En 2012, quand l’entreprise française décide d’arrêter la voile, le bateau est racheté par le producteur de cinéma, Jean Cottin… également producteur de Comme un seul homme. L’Imoca servira alors pour le tournage d’En solitaire, un film avec François Cluzet sorti en 2013. Eric Bellion le rachète ensuite pour son Vendée Globe 2016, le quatrième du bateau. En novembre dernier le monocoque était encore en course pour la Route du Rhum, sous les couleurs du Groupe Apicil et barré par Damien Seguin.