Le cri d’alarme des sports de salle

C’est un appel à l’aide, presque désespéré, que lancent d’une voix quinze présidents de fédérations sportives, dont les disciplines ont le désavantage de se pratiquer en salle. Réunis au siège parisien du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) avec la présence du président Denis Masseglia, ils réclament un geste un gouvernement, et, surtout, la reprise de leurs pratiques. Toutes ces disciplines, pour les volets amateurs, sont interdites d’activité depuis plusieurs semaines et mois car les enceintes sportives closes, gymnases, dojos ou salles de sport, sont fermées en raison des règles sanitaires liées à l’épidémie du coronavirus.

« Nos adhérents demandent le remboursement de leur licence aux clubs, et cela met nos fédérations dans des situations très compliquées, » explique Eric Tanguy président de la Fédération française de volley-ball, à l’initiative de ce mouvement avec ses homologues du handball et du basket-ball. « Nous demandons des solutions au gouvernement, » ajoute-t-il. Le constat est réellement préoccupant pour ces fédérations de sports en salle représentants plus de 2,2 millions de licenciés et plus de 27 200 clubs. Selon leurs calculs, elles auraient vu partir entre 15% et 57% de leurs adhérents en un an, et auraient perdu entre 18% et 40% de leurs ressources financières.

« Le sport, un régulateur pour la Société »

Au-delà de ces aspects économiques, ces quinze présidents pointent du doigt l’utilité sociale de la pratique sportive amateur, reposant sur un tissu de dirigeants. « Nous constatons une démobilisation de nos cadres bénévoles, il y a une usure, et cela va nous être très préjudiciable pour le futur, » lance James Blateau, président de la Fédération française de gymnastique. « J’ai beaucoup d’inquiétude sur la migration de beaucoup de nos licenciés vers d’autres disciplines ou activités de loisirs, » commente Luc Tardif, Président de celle de hockey-sur-glace. « Les problèmes financiers arriveront à être réglés, pondère pour sa part Francis Didier, Président de celle de karaté. Mais il faut prendre également en considération que le sport est un régulateur de la Société. Pour sauver les clubs et le monde associatif, nous avons plus besoin d’une vision politique que de conseils de gestion ».

Ces présidents attendent un calendrier pour une possible reprise des activités, sous les contraintes de protocoles sanitaires. Ils souhaitent aussi un démarrage du dispositif Pass’Sport (une aide financière pour les jeunes prenant une licence) dès juin prochain. Ces quinze dirigeants espèrent aussi un fonds de relance pour toutes les fédérations, le renforcement du mécénat pour le sport amateur, et la poursuite des emplois aidés dans leur univers. Enfin, ils avouent attendre beaucoup de la campagne de communication annoncée par le gouvernement à la rentrée de septembre 2021 et dont l’objectif est de revaloriser la pratique sportive chez les jeunes et dans un cadre fédéral.

© SportBusiness.Club Févier 2021

(*) Badminton, Basket-ball, Boxe, Bowling, Gymnastique, Handball, Hockey-sur-glace, Judo, Karaté, Kick-boxing, Boxe française, Sports de glace, Tennis de table, Volley-ball.


Interview : Stéphane Nomis, président de la Fédération française de judo

Pourquoi le sport amateur se porte-t-il mal aujourd’hui ?

Stéphane Nomis : « Il se porte mal parce que le modèle est en train de changer et va devoir se réinventer rapidement. On voit bien que durant cette période covid, où le sport est très très impacté, il va falloir que l’on change de modèle, de braquet, que l’on trouve des nouvelles solutions pour un sport différent ces prochaines années ».

Le judo souffre-t-il plus que d’autres disciplines sportives ?

S.N. : « Oui. Pour le judo c’est très très difficile. La période est très difficile. Nous vivons la période la plus difficile de la discipline. Nous touchons le fond et nous allons mettre beaucoup d’énergie pour remonter, mais ça va être très difficile. Nous allons relever ce défi car nous avons une équipe jeune et dynamique avec des gens ultra compétents qui réfléchissent à des modèles différents, pour le haut niveau notamment avec la création d’une Ligue, une nouvelle compétition par équipe. On réfléchit à un nouveau judo. Je pense que c’est le bon moment pour cela. Nous prenons l’énergie de tous les judokas. Nous sortons d’une campagne électorale vraiment très dure, mais aujourd’hui, c’est le temps de l’unité ».

Quelle est la plus grande crainte pour vous, président de fédération ? Voir disparaître des clubs ?

S.N. : « A ce jour, déjà 300 clubs de judo ont disparu. Toutefois, je pense que l’on va être fort pour redynamiser nos clubs. Ma plus grosse crainte est que cette situation perdure et que l’on nous oblige à faire du judo sans contact. Cela n’a pas de sens. Quand on pratique le judo en club, seulement deux enfants sont en contact ensemble pendant une heure de cours. Ce n’est pas le cas en football, par exemple, où tout le monde se touche, les 22 joueurs. Nous sommes plus dans le respect des protocoles anti-covid que beaucoup d’autres disciplines sportives ».

Dans l’immédiat, que réclamez-vous ?

S.N. : « Déjà, un coup de main incroyable de l’État : qu’il nous donne plus de moyens. Le budget de la culture est deux fois supérieur à celui des sports, or, nous avons beaucoup moins que la moitié des aides allouées à la culture. Nous devrions avoir ces droits. Surtout, nous demandons une reprise rapide de la pratique sportive en club. Les sports en salle savent respecter les protocoles et les règles, autant que les autres disciplines sportives, de plein-air. Je ne vois pas pourquoi, dans les respects de toutes les règles et en mettant des masques, on ne pourrait pas continuer à pratiquer des sports en salle ».


Les baisses dans les fédérations sportives de salle

DisciplinesBaisse de licenciésPertes économiques
Badminton-31%-31%
Basket-ball-19%-21%
Boxe-52%-40%
Bowling-20%-30%
Gymnastique-25%ns
Handball-20%-25%
Hockey-sur-glace-15%-21%
Judo-35%ns
Karaté-34%-34%
Kick Boxing-57%-18%
Lutte-57%-30%
Boxe française-50%-35%
Sports de glace-20%-20%
Tennis de table-28%-22%
Volley-ball-25%-27%
Source : Conférence de presse des sports de salle, jeudi 25 février 2021. ns : non renseigné.