L’UTMB et ses contradictions environnementales

A l’occasion de sa 20e édition, l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB) aura de nouveau rassemblé 10 000 athlètes et un public nombreux dans la vallée de Chamonix (Haute-Savoie) en une semaine. Ce samedi 2 septembre, l’Américain Jim Walmsley l’a emporté dans la course phare, en établissant un nouveau record, sous la barre des 20 heures. Mais l’épreuve génère aussi interrogations et critiques sur l’impact environnemental de cette discipline au grand air en plein boom.

« On fait un sport qui est censé être proche de la nature. En tant que coureur, c’est un événement magnifique car on a l’impression de faire les JO. Mais d’un point de vue environnemental, force est de constater que la situation est assez critique, » explique Juliette Blanchet, triple “finisher” de l’UTMB et chercheuse en climatologie. Depuis sa création en 2003 et jusqu’à cette année, l’événement-roi du trail n’a cessé de prendre de l’ampleur, attirant des coureurs venus du monde entier qui espèrent admirer les plus beaux paysages autour du Mont-Blanc tout en testant leurs limites sportives.

Le poids du transport des specateurs

« Cette expérience a un coût pour la planète. Il n’y a quasiment plus de déchet produit sur place, mais il s’agit d’une goutte d’eau comparée à l’impact de tous les déplacements effectués pour venir dans la vallée, indique la scientifique. On a tous des contradictions. J’ai moi même pris l’avion pour aller faire des compétitions dans le passé. Mais j’évite désormais, car on peut tous faire mieux et on tous notre rôle a joué ».

Pour évaluer son impact sur la nature, les organisateurs de l’UTMB ont mandaté en 2019 la WWF pour réaliser un bilan carbone. Selon l’association, l’empreinte carbone de l’événement s’élevait à 11 610 tonnes équivalent CO2 “soit 1,3 tonne par coureur”. « C’est évidemment une préoccupation essentielle pour nous, nous sommes conscients de cet impact, » ont expliqué les organisateurs dans un mail transmis à l’AFP. « le poids du transport (sur l’émission carbone de l’événement, ndlr) est une constante sur laquelle nous devons tous agir, » ajoutent-ils.

L’UTMB affirme avoir mis en place une plateforme de covoiturage et un système de parking relais longue durée pour “limiter le nombre de véhicules dans la vallée”, ainsi que d’avoir renforcé ses capacités de transports collectifs. Avant, pendant et après les courses, les chemins balisés pour les athlètes sont nettoyés, et l’utilisation du plastique a été réduit au strict minimum, selon plusieurs coureurs interrogés.

Le partenariat avec Dacia contesté

« L’UTMB a fait pas mal de petits efforts, mais lorsqu’il s’agit d’actions majeures, ils sont plus frileux, » avance Andy Symonds, coureur anglais et 5e de la course en 2019. Il a relayé mi-août, aux côtés de la star du trail Kilian Jornet et d’autres traileurs professionnels, une pétition lancée par l’association britannique The Green Runners, appelant la course à rompre son partenariat récent avec le constructeur automobile Dacia. « C’est la vitrine de la discipline, la course la plus médiatisée. Le public va admirer les beaux paysages et y associer une marque productrice de véhicules polluants, qui cherche à verdir son image. Les organisateurs se décrédibilisent, » regrette Andy Symonds.

L’ultra-traileur Damian Hall, co-fondateur de The Green Runners, pointe également du doigt le nouveau système de qualification à l’épreuve reine, obligeant les athlètes à récolter des points en participant à des courses estampillés UTMB, organisées aux quatre coins du monde. « Si tu es blessé lors de la course qualificative dans ton pays, tu devras prendre l’avion pour aller en faire une autre ailleurs. Cela a multiplié les déplacements. Cette nouveauté et le naming, c’est vraiment dommage car autrement c’est vraiment un super événement, » précise l’athlète.

Les organisateurs ont récemment rencontré une délégation de coureurs pour évoquer la question du partenariat, signé pour trois ans. « Mais ils ont défendu leur décision et n’ont pas montré de volonté de changement. On avait davantage l’impression d’échanger avec une grande entreprise qu’un organisateur de trail, » fustige l’un d’eux. L’UTMB n’est toutefois pas le seul événement à générer toutes ces problématiques liées à l’environnement: le trail est en pleine croissance et rien ne semble pouvoir l’arrêter.

Par François D’Astier – Agence France-Presse

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