Par Alain Lunzenfichter*. Avec l’ancien système d’élection des villes olympiques héritage était un maître mot. L’important était de démontrer via moultes communications, lobbying, interventions politiques ou mêmes pratiques plus ou moins avouables qu’organiser les Jeux olympiques allait laisser un héritage sans égal une fois le drapeau aux anneaux rangé dans les tiroirs. De nombreux pays ont usé voire même abusé de ce genre d’interventions pour convaincre des membres du Comité international olympique (CIO). Les plus influençables. Ce fut le cas des candidatures russe de Sotchi (2014), brésilienne de Rio (2016) ou encore chinoise de Pékin (2022). Toutes promirent monts et merveilles pour obtenir le feu vert de l’institution olympique… avec au final des résultats plus ou moins positifs.
Rio fut désigné en 2009, alors que le Brésil était en pleine expansion. Sept ans plus tard, au moment de l’organisation, le pays était économiquement au fond du trou. En 2007, la candidature de Sotchi, supportée ouvertement par le président russe Vladimir Poutine, promettait de transformer une ville balnéaire de la Mer Noire en une station de ski. L’argent n’était pas un obstacle pour y arriver. En fin de compte, l’objectif est plus ou moins atteint puisque la station de Rosa Khutor, construite ex nihilo est aujourd’hui fréquentée par un grand nombre de skieurs russes préférant se rendre ici pour pratiquer les sports d’hiver plutôt que d’aller dans les stations alpines. Les installations olympiques de 2014 seraient également toutes utilisées.
Plus de 300 millions de nouveaux pratiquants
A Pékin, on reçoit cette année une seconde fois les Jeux olympiques 14 ans après ceux, d’été, de 2008. L’utilisation, ou plutôt la réutilisation, des anciens sites olympiques estivaux pour des disciplines hivernales est indéniablement une réussite. L’argument massif qui a fait basculer la décision vers Pékin plutôt que vers la ville Almaty au Kazakhstan est la promesse de autorités chinoises de mettre 300 millions de personnes sur des skis, comme les dirigeants du comité de candidature l’ont avancé lors la session olympique de Kuala Lumpur en 2015. Evidemment, ce chiffre ne pouvait laisser indifférent aucun membre du CIO. L’argument a repoussé au second plan les autres contraintes du dossier chinois : manque de neige, éloignement des stations de ski, obligation de construire plusieurs infrastructures quand même…
Aujourd’hui, alors que les Jeux se sont ouverts vendredi 4 février, la Chine a-t-elle gagné son pari ? Oui, à en croire les chiffres publiés par le très officiel Bureau national des statistiques, qui a analysé les données et informations de 40.100 personnes. Le chiffre de 300 millions serait non seulement atteint mais même dépassé. Le document avance que 346 millions de chinois se sont convertis aux sports d’hiver : un sur quatre. Pour atteindre un tel résultat la Chine a, selon le Centre administratif national des sports d’hiver, construit 654 patinoires et 803 stations de ski. Un coût total de plus de 112 milliards d’euros. Si ces chiffres sont réels, cela démontre l’implication de l’Etat chinois dans cette aventure olympique. Une autre étude indique que 70,3 % de la population chinoise se dit impliquée pour les loisirs et le divertissement plutôt que la forme physique, la mode ou la compétition. Maintenant, espérons que ces 346 millions de nouveaux adeptes de loisirs hivernaux pérennisent leurs pratiques après 2022.
(c) SportBusiness.Club Février 2022
(*) Alain Lunzenfichter est un des créateurs de la revue Courir en 1977. Journaliste, il a été rédacteur en chef adjoint de L’Equipe. Ancien président de l’association mondiale des journalistes olympiques, il est gloire du sport français et membre de l’Académie des sports.